"Le leader du groupe m'a dit qu'il y avait toujours besoin d'une tension sexuelle entre les chanteuses et leurs producteurs / musiciens !"
Ca, ce sont les mots de Flore Benguigui, ex chanteuse du groupe de french pop reconnu L'impératrice. L'an dernier, l'artiste avait annoncé quitter ce dernier. Sur Instagram, elle avait alors abordé sans filtre sa fatigue physique et psychologique, de "profonds désaccords personnels et artistiques", et une ambiance toxique, très masculine.
"J'avais déjà tiré la sonnette d'alarme plusieurs fois au sujet de mon état... Ma santé physique et mentale a sérieusement été mise à mal ces dernières années".
Un témoignage à retrouver en intégralité ici.
Mais aujourd'hui, et après avoir développé les raisons profondes de ce départ sur Médiapart, afin de mettre en lumière la condition des femmes dans l'industrie, l'artiste témoigne courageusement lors d'une commission d'enquête sur les violences dans le milieu culturel. Là encore, elle évoque comme le rapportent nos confrères de Purecharts "une situation d'emprise avec des humiliations verbales, une alternance entre dénigrement et valorisation, un épuisement physique et mental...". Mais revient plus en détails sur l'enfer sexiste subi des années durant, exemples à la clef.
Et il faut l'écouter.
Sur Insta, l'an dernier, la publi de Flore Benguigui, soutenue par ses consoeurs chanteuses Pomme, Angèle, Pi Ja Ma, avait beaucoup fait réagir. Notamment car la chanteuse y écrivait ceci : "C'est aussi une industrie que je questionne à travers ce choix, cette industrie de la musique toxique et injuste surtout envers les femmes, la santé mentale, celles qu'elle juge trop fragiles pour ce métier".
Elle ne dit pas mieux aujourd'hui. Elle le dit plus fort.
Et y met des termes d'autant plus crus : "Le leader de L'Impératrice par exemple m'a dit qu'il y avait toujours besoin, selon lui, d'une tension sexuelle entre les chanteuses et leurs producteurs / musiciens.... Et le leader d'un ancien groupe m'avait aussi viré en me disant "Je m'en fiche de comment tu chantes, tout ce qui m'intéresse c'est que tout le monde ait envie de te b*ser"..."
Ce que dénonce la chanteuse, c'est naturellement un sexisme profondément normalisé, mais aussi une hyper sexualisation de sa personne, de son corps, de ses attitudes, par-delà ses talents musicaux. Sur ses réseaux déjà elle déplorait suite à son départ "l'inverse d'une collaboration harmonieuse et saine" et dénonçait cette sphère musicale qui "préfère capitaliser sur la sensibilité des artistes pour remporter une course aveugle au succès, plutôt que d'en prendre soin !"
Depuis, la santé mentale, Flore Benguigui en a beaucoup parlé.
Notamment lors d'un échange passionnant en compagnie de Lauren Bastide dans le podcast Folie Douce. Mais elle persiste et signe, toujours, à la Commission : "Il n'y a que les femmes qui parlent de santé mentale et on ne les écoute pas. On les traite de divas, de drama queens ou d'hystériques !". Ce gros mot de "diva" associé depuis des lustres aux plus grandes stars féminines, la journaliste Sarah Dahan le déconstruit intelligemment dans un livre à découvrir : Divas, justement, que l'on vous décrypte dans cet article.
Mais ce n'est pas tout.
La chanteuse aborde également la toxicité d'une sphère très masculine, surtout quand on est "la seule femme" du groupe : "Quasi toutes les manageuses que je connais sont des femmes qui protègent vraiment la santé mentale de leurs artistes, en dépit des petits arrangements entre amis des puissants. Dans l'industrie, ces femmes-là sont blacklistées... J'ai aussi constaté des limites très floues entre vie privée et professionnelle, avec les frustrations romantiques et sexuelles des hommes. Cette frustration peut entraîner de la violence et de la peur !"
Et les effets retors de cette présence féminine minimisée, qui engendre sexisme et rivalités, quitte à mettre à mal la sororité : "Toutes les femmes de cette industrie sont considérées remplaçables et interchangeables, il n'y a qu'à voir la façon dont j'ai été remplacée en quelques semaines - par la chanteuse Louve, ndlr - pour chanter les chansons et les mélodies que j'ai écrites"
"Pourquoi changer quand on peut pousser les gens à bout et les remplacer en deux secondes, une fois qu'on en a tiré tout ce qu'on voulait ?"
Une absence de sororité déjà dénoncée par la chanteuse Pomme, rappelez-vous. Et une constante manie de dé-légitimer les femmes qu'une autre star n'a pas hésité à épingler : Louane, dans cette prise de parole forte.