Portrait d'une jeune femme en chienne.
C'est à peu près le postulat saugrenu mais ô combien intriguant d'un conte féministe qui vient de débarquer sur Disney + : Nightbitch (bitch signifiant à l'origine "chienne", pour rappel). Film qui nous plonge dans la tête, et dans le corps, bouleversé, d'une mère au foyer comme les autres, à ceci près qu'elle se métamorphose poil après poil... En chien.
Comme une sorte de réalisme magique qui vient envahir une banale banlieue pavillonnaire américaine. Un pitch qui fait penser aux réflexions féministes de la documentariste française Ovidie, sur ce que les chiens ont à nous dire de la guerre des sexes, des masculinités et du couple. Mais surtout, un rôle incroyablement casse gueule pour une actrice dingue : Amy Adams.
Celle qui a réduit notre cœur en lambeaux dans Arrival, néoclassique de la SF signé Denis Villeneuve, se contrefiche du ridicule et le démontre largement en portant sur ses épaules cette curieuse fable animalière au postulat un brin provoc - "bitch" étant régulièrement décochée comme insulte sexiste, on ne vous fait pas un dessin.
Et ce drôle d'objet... De diviser. Beaucoup. Forcément.
"Une mère au foyer déprimée mute peu à peu en chien… Entre chronique caustique et fable fantastique, Nightbitch cherche son ton sans jamais le trouver", déplorent ainsi nos confrères de Première. Pas les moins mesurés quand on constate la dureté de certaines critiques au vitriol.
"Le film se serait déroulé exactement de la même manière sans sa dimension fantastique", déplore à ce titre Indiewire qui interroge la pertinence du potentiel allégorique de la chose. Comme si le totem du canidé n'avait guère d'importance dans la choucroute. "Et le body horror (cette sous catégorie du cinéma d'horreur marqué par une métamorphose cracra des corps, façon The Substance, ndlr) est constamment minimisé au point d’être fonctionnellement inexistant".
Pas si audacieux, malgré son ironie thématique, interrogeant la domestication des femmes ?
D'autres voix érudites du cinéma, et du cinéma de genre, ne cachent pas leurs réserves outre atlantique. Comme Vulture, qui tacle : "le film tourne en rond, développant constamment les mêmes choses. Il y a beaucoup de perspicacité, mais peu d’élan. Mais c’est peut-être là l’idée ?". Plus que la virulence, c'est la perplexité qui semble de mise.
Pourtant, d'autres paroles résonnent. Et voient là un manifeste féministe culotté - pour reprendre ce mot cher à Pénélope Bagieu. Entièrement incarnée par une actrice libre comme l'oiseau. "Ce film est mené par la performance d’une Amy Adams n’ayant peur de rien. Sa performance est un hurlement plein de douleur maternelle et de force féroce", défend The Daily Beast (média qui pour le coup, porte bien son nom). "La critique a salué presque unanimement le jeu d’Amy Adams, qui semble totalement habitée par ce rôle", constate en outre Ecran Large.
Verdict appuyé par ces éloges du Parisien : "dans ce film à la fois comique et fantastique qui offre une réflexion passionnante sur la condition féminine des mères esseulées, la comédienne Amy Adams, qui s’y transforme en animal domestique, dose parfaitement son jeu entre humour et rage".
Une intention qui s'envisage même dans les opinions les plus réservées. "Drôle de film, assez intrigant sur le papier avec ce portrait empathique de cette femme vivant la maternité comme une prison, dressé dans un mélange de tendresse et de causticité", admet ainsi Première tout en déplorant "une oeuvre qui manque de mordant !".
Clin d'oeil.