Maxime Le Forestier l'a chanté : "On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille". Ce qu'il a oublié, en revanche, c'est qu'on peut bel et bien choisir à qui on dira d'aller se faire voir le soir de Noël. Je m'explique.
Le réveillon, c'est chouette sur plein d'aspects. On bouffe bien, et beaucoup, on boit bien, et beaucoup, et on retrouve une bonne partie des gens qu'on aime dans une ambiance de fête joyeuse.
Jusqu'ici, pas grand-chose ne devrait venir assombrir le tableau de fin d'année. SAUF QUE - et j'insiste sur cette malheureuse expression de langage qui annonce qu'en effet quelque chose (ou quelqu'un, en l'occurrence) va tout gâcher -, il y a toujours cette moins bonne partie des gens qu'on préférerait croiser brièvement au Super U du coin qu'autour d'un verre de Crémant à l'apéro du 24 décembre.
Une communauté parente d'individu·es qu'on passe le reste de l'année à éviter - au baptême du dernier petit-neveu, "sorry, j'ai piscine", ou à la cousinade de juillet, "pardon, c'est le rush, je suis sous l'eau".
Autant d'excuses en carton qu'on ne supporte pas chez les autres, mais qui nous ont sauvées de bien des discussions insupportables autour du barbecue de l'oncle Bertrand.
Parce que ce qui nous dérange chez cette branche familiale obscure, ce sont ses mots, justement. Et surtout la façon décomplexée avec laquelle elle exprime des propos discriminants et racistes qu'elle adore aussi imposer à toute l'assemblée.
Des horreurs étayées par un mélange puant de désinformation, de réseaux sociaux, d'étroitesse d'esprit et d'ignorance qui se traduit par une diarrhée verbale incontinente. Je ne donnerai pas d'exemple concret, inutile de relayer la haine et la bêtise. Mais la description parle certainement à beaucoup.
Chez moi, ça fait des années que ça dure, et je me suis presque habituée au refrain qu'on me sert dès que j'ose élever la voix, qui dit que la famille passe avant tout et qu'on doit respecter les aînés. Déjà, ça dépend de quelle famille, et ensuite, je ne vois pas en quoi dire à mon grand-oncle d'arrêter ses paroles dégueulasses sur les migrants tiendrait de l'irrespect ; lesdites paroles étant elles-mêmes au-delà de ce qu'on qualifie d'irrespect.
Je vais vous soulager d'un poids, donc : ce Noël, vous n'avez pas à passer du temps avec eux, ni à rester muette.
Ils sont là toute la soirée ? Cantonnez-vous aux "ça va, et toi ?", "oui j'ai grandi depuis la dernière fois", "non, toujours pas mariée" d'usage et restez avec vos proches sensés pour déguster la dinde.
Ils ne peuvent s'empêcher de faire une réflexion ? Répondez-leur.
Un petit "je n'ai plus envie d'entendre tes propos haineux" peut couper court au flot d'ignominie, un gros "en effet, on ne peut plus rien dire de raciste, alors rends-nous service et tais-toi" viendra contrer un "on ne peut plus rien dire" trop courant.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'on ne doit pas toujours faire bonne figure ou la jouer plus intelligente que l'autre. On peut aussi rentrer dans le vif du sujet, et les remettre à leur place avec plus ou moins de finesse.
On n'a pas à culpabiliser de s'indigner, ou de réagir de manière aussi virulente que leurs propres arguments. Celles et ceux qui devraient avoir honte, ce sont les auteurs et autrices de la discrimination ordinaire bien ancrée dans leur cerveau, et qui donne naissance à un discours rodé. Pas nous, qui répondons impulsivement, parfois sans réussir à se contrôler, à cette provocation souvent volontaire.
Cette année donc, choisissez de ne pas supporter les gros cons de votre famille - que ce soit en les ignorant passivement ou en les affrontant. N'acceptez pas leur connerie, comme disent les Américains, et résistez à votre façon.
Ils ne changeront pas d'avis pour autant, mais vous, vous aurez la paix. Vous passerez un temps plus précieux avec celles et ceux qui ne vous donnent pas des envies de planter des couteaux dans un oeil, et il y a aussi de bonnes chances pour que vous donniez l'exemple aux moins révolté·es.