Les hommes ont une voix plus grave que les femmes de manière générale. En cause, la testostérone qui allonge les cordes vocales à l'adolescence. Mais la tonalité de la voix des femmes a baissé de manière significative depuis soixante-dix ans. Et cela est confirmé par plusieurs études. Dans les années 1990 par exemple, des chercheur·euse·s australien·ne·s ont comparé des enregistrements de 1945 et de 1993 de voix de jeunes femmes de 18 à 25 ans en train de lire.
Ces scientifiques ont mesuré en hertz la fréquence de ces voix pour en établir une moyenne. En 1945, les femmes n'avaient pas encore accès à la pilule. L'influence des hormones sur la voix n'étant pas connue au moment de l'enquête, les femmes la prenant ont été exclues du panel pour ne pas biaiser l'étude. Même chose avec celles qui fumaient. La moyenne de la fréquence de la voix des femmes de 1945 était de 229 hertz, celle de 1993 de 206. En cinquante ans, la voix de ces Australiennes a donc baissé de 23 hertz.
Leur étude rapporte les conclusions de plusieurs recherches réalisées depuis les années 1950. Certains avancent que la baisse de fréquence de la voix des femmes peut être due au fait que les modèles féminins passant dans les médias et notamment à la télévision aient pu baisser leur voix. Une voix plus grave serait alors considérée comme "dramatique, sensuelle et mondaine". Les femmes les auraient juste copiées.
Mais une voix grave est aussi perçue comme un signe d'autorité et la baisse de la tonalité pourrait s'expliquer par la plus grande émancipation professionnelle des femmes. Un article de la BBC prend l'exemple de l'ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher dont la voix a baissé en tonalité entre le début et la fin de sa carrière. Il semblerait que celle qui était surnommée "La Dame de fer" ait pris un coach vocal pour avoir l'air plus sérieuse. Sa voix a pris un coup de basse avec 60 hertz de moins en moyenne.
Dans une société plus égalitaire, les femmes auraient donc des voix plus graves. En Norvège par exemple, la voix des habitantes est plus basse comparée à l'Italie ou la Grande-Bretagne. Interrogé par le journal allemand Die Zeit, un chercheur allemand en orthophonie, Walter Sendlmeieer évoque "le fait que l'émancipation a encore progressé en Scandinavie". "Une voix perçante ne serait pas compatible avec l'image de soi des femmes modernes", avance Die Zeit.
C'est aussi ce que confirme une autre étude menée cette fois-ci en Allemagne à l'hôpital universitaire de Leipzig. Cette fois-ci, ce sont 2500 hommes et femmes de 40 à 80 ans qui ont été testés. Lors d'un congrès en 2017, Michael Fuchs, le médecin qui a conduit l'enquête, en révèle les conclusions. Il explique : "La voix masculine dans le monde entier est en moyenne de 110 hertz, celle des femmes de 220 hertz". Or pendant l'étude, ils ont enregistré une moyenne de 165 hertz pour les femmes, ce qui veut dire que la différence de voix entre hommes et femmes a diminué de moitié. "Il s'agit d'une différence significative qui ne peut être expliquée biologiquement", a déclaré Michael Fuchs au journal allemand Der Tagesspiegel.
En effet, les femmes ont grandi et pris de la masse depuis les années 1950, mais il en va de même pour les hommes dont la voix n'a pas changé. Michael Fuchs tente une explication : "Aujourd'hui, les femmes sont plus sûres d'elles, elles réussissent professionnellement, gagnent plus d'argent. Ça se ressent dans la voix qui est plus profonde." Dans une interview donnée au Berliner Zeitung en 2017, il détaille ses résultats : "L'esprit de notre époque se reflète dans la voix. Les voix féminines hautes étaient autrefois chic - pensez à Doris Day, par exemple. Il y avait beaucoup de voix aiguës, féminines et douces qui appelaient à un besoin de protection. La femme d'aujourd'hui est pleine de vie. Elle n'a plus besoin de protection. C'est pour cela que ça sonne différemment."
Si une voix grave est signe d'autorité, elle peut aussi se retourner contre les femmes. Une universitaire américaine, Joey Cheng, explique : "Alors que les voix basses - et d'autres comportements assertifs en général - signalent et affirment effectivement le pouvoir et l'autorité chez les femmes, comme chez les hommes, cela pourrait aussi avoir l'effet involontaire de miner leur degré de popularité." Avant de prendre l'exemple d'Hillary Clinton perçue comme "insensible". Et on sait comment cela s'est terminé.