Elle n'a jamais été aussi haut et pourtant, elle semble demeurer toujours aussi loin de pouvoir accéder à la fonction suprême. C'est tout le paradoxe Marine Le Pen. Alors que l'image de la leader frontiste apparaît de plus en plus acceptable aux yeux de l'électorat de droite, y compris au sein de l'UMP (40% des sympathisants sont favorables à des alliances ponctuelles avec le FN), le Front national fait toujours figure de réceptacle des colères mais peine à être considéré comme une alternative crédible. Explications.
34% des Français « adhèrent » aux idées du FN
C'est là le principal enseignement du baromètre d'image du Front national 2014 réalisé par TNS Sofres pour Le Monde, France Info et Canal + (consultable en bas d'article). Jamais autant de Français (34%) n'avaient déclaré « adhérer aux idées du Front national ». Face à un président de la République au plus bas dans les enquêtes d'opinion et une UMP en proie à une perpétuelle guerre des chefs, le FN tire les marrons du feu.
En effet, à l'heure où les tensions se cristallisent, notamment autour de la famille et de l'éducation, la présidente du FN, soucieuse de se distinguer de l'ancien appareil idéologique du parti, s'est immiscée sur le terrain sociétal. Ainsi, 46% des personnes interrogées jugent que Mme Le Pen est « plutôt la représentante d'une droite patriote attachée aux valeurs traditionnelles » (43% pensent plutôt qu'elle représente « une extrême droite nationaliste et xénophobe »). A l'aune des élections municipales et européennes, 35% des personnes interrogées ont déjà ou envisageraient dans l’avenir de voter pour le FN. Et 58% des sondés jugent que Marine Le Pen est « capable de rassembler au-delà de son camp » (+ 5 points par rapport à 2013).
Le FN est « un danger pour la démocratie » pour la moitié des Français
Au regard de chiffres aussi flatteurs, où est le problème ? Il semble bien que, malgré les changements conséquents opérés à la tête du parti, le FN demeure toujours un « boulet » pour sa présidente. Pas moins de 50% des Français estiment ainsi que le FN est « un danger pour la démocratie française » (+ 3 points). Plus inquiétant pour Mme Le Pen, seuls un peu plus de trois Français sur dix jugent le parti frontiste « capable » de gouverner. Pour 54% des personnes interrogées, le FN a pour unique vocation de « rassembler les votes d'opposition ». En clair, le FN capte les mécontentements mais n'apparaît pas aux yeux de la majorité des électeurs comme une alternative crédible. Pour preuve, les deux piliers idéologiques du Front : la sortie de l'euro et la « préférence nationale » sont respectivement rejetés par 64 et 72% des Français.
Par ailleurs, les déclarations de certains cadres du parti au moment de l'affaire Dieudonné semblent avoir fait, malgré eux, ressurgir l'image du FN version Jean-Marie. Or, selon Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, « Les électeurs FN post-2011 veulent un parti normalisé et dédiabolisé ayant rompu avec un certain nombre d'outrances de l'ère Jean-Marie Le Pen ». Et le chercheur à l'IRIS de poursuivre : « Ils ne veulent plus de ce genre de saillies et de discours, dont Marine Le Pen veut précisément se débarrasser, du moins c'est ce qu'elle dit ».
Marine Le Pen face à la barrière du scrutin majoritaire
Pour résumer, si Marine Le Pen séduit incontestablement sur sa personne, elle éprouve bien plus de difficultés à faire du FN un potentiel parti de gouvernement. A ce titre, « le lancement du Rassemblement bleu Marine, qui confond structure partidaire et personnalité de sa présidente, est une piste à creuser pour la formation d'extrême droite, tout comme l'hypothèse d'un changement de nom du parti », analyse le journaliste Abel Mestre sur Le Monde.fr.
Reste que si cette nouvelle entité a pour ambition de devenir « le premier parti de France », à l'issue des élections européennes (dont le mode de scrutin proportionnel est favorable au FN), la tâche s'annonce autrement plus compliquée lors des municipales pour un FN encore peu implanté localement. Dans ces conditions et au regard du mode de scrutin majoritaire de la présidentielle et des législatives, l'hypothèse d’une arrivée aux affaires de Marine Le Pen – figure de proue d'un mouvement perçu comme « un danger pour la démocratie » par la moitié des Français – est hautement improbable.