Si l'ouvrage est lumineux, drôle et rafraîchissant, les origines du récit sont bien moins joyeuses. Tara Schuster, dirigeante d'entreprise, vice-présidente d'émission américaine, et autrice à succès du best-seller en question, Achète-toi toi-même ces p*tains de fleurs (ed. Jouvence), l'a écrit après avoir réussi à combattre sa dépression, et vécu les pires moments de sa vie à 26 ans.
Dans ces pages qui s'adressent à tou·te·s celles et ceux dont le cerveau est en surchauffe, elle donne une tonne de conseils concrets (imaginés pré-Covid, mais qui continuent de fonctionner confiné·e·s) pour panser ses plaies, corriger des réflexes destructeurs et enfin se traiter comme on le mérite : avec bienveillance, indulgence et compassion.
On en a relevé 5 qui nous aideront à assainir nos pensées, et nous apprendront à ne plus les laisser compromettre notre amour de soi.
Pour entamer sa reconstruction, Tara Schuster est invitée par une amie à écrire ce qui lui passe par la tête dans un journal intime. Trois pages chaque matin avant de faire quoi que ce soit d'autre, précise-t-elle. Une tâche issue d'un programme de développement personnel qui lui semble d'abord insurmontable. "Mais qui a le temps d'écrire chaque jour TROIS pages ? Cela me semblait être un fardeau plutôt écrasant." Tant bien que mal, elle se convainc de poser des mots en vrac.
Rien de bien significatif, puis, à force de s'y atteler, elle commence à livrer des événements en lien avec des maux plus profonds. La disparition de sa chienne, les disputes entre ses parents, le sentiment qu'elle a d'être un échec permanent pour (et dans les yeux de) son entourage. Autant de pensées qu'elle va s'attacher à décortiquer, pour mieux adresser leurs conséquences. Et mieux aller tout court. "Cela me faisait énormément de bien de chasser la peur en la couchant sur le papier. Ce problème ne mijotait plus dans un coin de ma tête. Je pouvais le gérer parce que j'en avais conscience".
Dans son livre, elle propose un "outil" de sa confection, qui permettra de "déterrer quelques blessures sans risquer l'épuisement, ni une quelconque torture qui vous pousserait à vous demander pourquoi vous vous infligez ça". On prend.
D'abord, elle conseille d'écrire le souvenir ou le sentiment qu'on éprouve à l'instant t, "qu'il soit sombre ou sans importance". Par exemple, évoque-t-elle, les questions qu'on se pose depuis que notre ex nous a recontacté·e, ou la tristesse que provoque encore le fait que notre père nous ait rarement fait des câlins petit·e. Ensuite, on laisse, toujours par le biais de notre plume, "libre cours à tous les sentiments associés à cette pensée". Sans retenue.
Puis, on s'intéresse à la raison pour laquelle on ressent tout ça maintenant. Un contexte de solitude particulier, une réflexion plus large sur notre incapacité à s'engager ? On se pose la question et on laisse décanter. Enfin, on réalise une action apaisante. Un masque pour le visage, ou un coup de fil à notre meilleure amie. Et on conclut par cette affirmation : "J'ai de la chance de gérer ce problème maintenant au lieu de le laisser couver. C'est la voie royale !" Tara Schuster l'affirme : c'est la première étape vers la surface.
Autre point clé de sa lente mais solide guérison : feindre la gratitude jusqu'à ce qu'elle la ressente vraiment. Le "fake it until you make it" prôné sans modération outre-Atlantique. A ce sujet, elle explique avoir longtemps vu d'un oeil sceptique tout ce qui touchait à l'excès de positivité, surtout quand celle-ci n'a rien d'authentique à la base. Seulement, un jour qu'elle était prête à tout tenter, elle a décidé de suivre le conseil d'une amie qui lui assurait que "les personnes reconnaissantes sont dans l'ensemble plus heureuses".
Combattant son envie de lui dire d'aller se faire voir, elle a commencé à appréhender son quotidien différent, notant absolument toutes les microscopiques petites choses pour lesquelles "dire merci". D'abord en levant les yeux au ciel et ensuite en finissant par croire véritablement en ce qu'elle écrivait. Florilège : "les expressos, mes draps froids quand je me glisse dedans le soir, les inconnus qui me souriaient, quelqu'un qui me tenait la porte, mon adorable petit studio, mes amis et leur amour".
"A mesure que mes séance d'écriture se poursuivaient", observe-t-elle, "j'ai commencé à prendre conscience que j'avais de quoi être heureuse". Cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas subi de traumatismes, ni résolu ses problèmes, mais juste qu'en parallèle de ses "bagages", il y avait de jolies choses.
"La gratitude vous aide à percevoir que vous avez le choix de l'histoire à vous raconter". Alors, "à vous", lance-t-elle. A vous, à nous, de se rappeler qu'au-delà de tout ce qui craint, il y a aussi des trucs pas trop mal dans nos quotidiens. Et que s'y rattacher peut mener à passer plus agréablement ces (trop) longues journées. Pourquoi pas.
Dans ce chapitre, Tara Schuster aborde un sujet particulièrement tabou dans nos sociétés occidentales : l'argent. Combien on claque, combien on gagne. Et surtout, dans quoi met-on les précieux euros qu'on réussit à rassembler chaque mois. L'autrice explique que l'une des façons qu'elle a eu de tourner cette page de toxique de sa vie a été de ne pas forcément dépenser moins, mais de dépenser mieux. Ou plutôt, de dilapider quelques pièces de son salaire dans des petits plaisirs abordables qui lui font du bien. Notamment, une botte de lys à 7 euros. Action qu'elle recommande vivement, et pour cause.
"Achetez ces p*tains de fleurs. Vous méritez des fleurs à 7 €. Vous méritez la chose qui embellit instantanément votre vie." Autre exemple de ce genre de réjouissances immédiates à la sauce selfcare : "une commande de guacamole avec des tacos", "un massage de 10 minutes à 10 €", "votre cours de gym préféré" (ah, la vie pré-pandémie).
Au milieu de discours sur comment ne pas s'endetter plus que de raison sur ses cartes de crédit, ni vivre au-dessus de ses moyens dans une ville hors de prix qui appelle constamment à la consommation, elle encourage à se chérir à coup de ce genre de micro-cadeaux ponctuels. Des surplus accessibles qui rendent la vie plus belle. Et finalement, participent à s'offrir un peu d'amour matériel, sans mettre en péril le futur de la planète. Chouette.
Ou comme elle le formule sans prendre trop de pincettes : "Arrêtez de vous insulter". Mise en contexte. "Vous êtes à la maison, assis sur votre canapé en train de regarder Koh Lanta tout en mangeant des plats à emporter indiens lorsqu'une créature qui ressemble à Gollum sort sournoisement de vos entrailles et se glisse à côté de vous. Elle vous murmure à l'oreille : 'Bruno ne veut pas sortir avec toi parce que tu ne mérites pas l'amour'. Elle vous explique d'un air entendu : 'Ton patron pense que tu es un imposteur et que tu es mauvais dans ton boulot'".
Une situation vécue plus de fois qu'on n'oserait l'admettre, "Gollum" ayant tendance à rappliquer même lors de moments parfaitement heureux en bonne compagnie. Une "voix critique", une "enn(a)mie intérieure", comme l'autrice la qualifie plus poliment, qui fait des ravages. Mais heureusement, a vite fait d'être mise sous silence si on utilise une technique simple : lui répondre.
Plutôt de se laisser submerger pas ses présages de mauvaise augure, ses reproches, ses commentaires dégradants, on confronte cette partie de nous qui doute ou nous déprécie sans scrupule avec celle qui connaît notre valeur. Et là encore, on utilise la puissance des mots.
"La prochaine fois que vous entendez cette voix, au lieu de l'ignorer - ou pire, de croire à ce qu'elle dit -, essayez de coucher par écrit les accusations qu'elle porte", avise Tara Schuster. Puis, de la contredire. D'inscrire exactement les raisons pour lesquelles elle a tort, qu'il s'agisse d'un oubli au supermarché ou d'un fait plus grave qu'on se reprocherait. "Vous avez le pouvoir de battre cet adversaire redoutable". Et de vous valoriser. A bon entendeur.
Last but not least : s'accorder des moments à ne rien faire d'autre que s'occuper de se personne. Pour ça, on les prévoit à l'avance, comme un rendez-vous qu'on attend avec impatience. La jeune femme, elle, bloque tous ses lundis soirs pour une session privée de The Real Housewives of Beverly Hills au lit, dans son pyjama bleu marine à poids blancs.
"Nous devons apprendre à nous gâter en nous offrant le petit plaisir le plus luxueux, sacré et rare qui existe : du temps. Du temps pour ne rien faire. Du temps pour lire. Du temps pour faire une longue marche, pour le plaisir. (...) Si vous constatez que vous vous dites constamment, 'Je suis tellement occupée que j'en suis épuisée', pourquoi ne pas essayer de vous réserver un lundi ou un mercredi soir rien que pour vous ?" Ou une heure avant que tout le monde ne se lève, ou un déjeuner, énumère-t-elle, consciente qu'une soirée entière n'est pas forcément possible dans tous les foyers.
Le but, c'est d'en faire un "rituel précieux". D'être bien présente en sa compagnie. De ne penser qu'à soi ou de ne penser à rien. Juste, de savourer, de se suffire. Et finalement, de s'aimer.
Achète-toi toi-même ces p*tains de fleurs, de Tara Schuster, ed. Jouvence. 464 p. 22,90 euros.