Alors que l'on était sans nouvelles de la militante Nadejda Tolokonnikova depuis le 22 octobre, le délégué russe pour les droits de l'homme a confirmé mardi 12 novembre que la Pussy Riot a été transférée dans un nouveau camp de travail situé dans la région de Krasnoïarsk, en Sibérie.
Condamnée à deux ans de bagne l'an dernier pour avoir, le 21 février 2012, fait une « prière punk » contre Vladimir Poutine en compagnie de quatre autres activistes dans une cathédrale de Moscou, Nadejda Tolokonnikova était depuis retenue dans le camp de travail pour femmes n°14 en Mordovie. La jeune femme avait entamé, le 23 septembre dernier, une grève de la faim pour dénoncer ses conditions de détention et de travail et alerter l'opinion internationale sur le sort réservé aux prisonniers russes, quelques mois avant l'ouverture des Jeux Olympiques de Sotchi. La disparition de la militante il y a trois semaines avait inquiété son entourage, et en particulier son mari, Piotr Verzilov, qui craignait que sa disparition soit une « punition » infligée par le service pénitentiaire du camp. Dans une récente lettre adressée à son avocate, Nadejda Tolokonnikova avait dit « craindre pour sa vie ».
Selon le délégué russe aux droits de l'homme Vladimir Loukine, Nadejda Tolokonnikova « est arrivée dans la région de Krasnoïarsk où elle va purger le reste de sa peine ». « Elle se trouve actuellement à l'hôpital du camp, a-t-il déclaré le 12 novembre à l'agence de presse Interfax. Selon lui, ce transfert répondait à une demande expresse de la Pussy Riot de changer de camp de travail. « Nous allons examiner un peu plus tard ses conditions de détention. Mais en général, les conditions de détention dans les camps de la région sont tout à fait supportables », a-t-il ajouté.
De son côté, Piotr Verzilov a confirmé avoir enfin reçu des nouvelles de son épouse. Cité par The Daily Beast, il explique avoir reçu un appel téléphonique la semaine dernière, au cours duquel on lui a précisé que sa femme était hospitalisée à la clinique du camp pour femmes IK-50. Les autorités hospitalières lui auraient permis de lui parler au téléphone, puis de venir lui rendre visite à l'hôpital. Toutefois, explique amèrement Piotr Verzilov, il n'a été autorisé à lui parler que par vidéoconférence. « Elle semblait se sentir bien, a-t-il déclaré par téléphone au Daily Beast. C'était étrange d'être si près de Nadejda, dans deux bâtiments différents du même hôpital, mais de ne pouvoir la voir que sur vidéo […] Elle était très heureuse d'entendre des nouvelles à propos des plaintes qu'elle avait déposées précédemment, de connaître les décisions des procureurs et les résultats de l'enquête sur les violations de droits subies à la prison de Mordovie. » Selon Zoya Svetova, un observateur indépendant du système correctionnel en Russie, les actions de Nadejda Tolokonnikova ont « secoué le système carcéral russe ». « Grâce aux efforts de Tolokonnikova, les femmes de son ancienne prison n'ont plus à coudre pendant 16 heures chaque jour, elles ne travaillent maintenant plus que huit heures », a expliqué Svetova au Daily Beast.
Une question se pose toutefois. Pourquoi avoir transféré Nadejda Tolokonnikova en Sibérie orientale ? Selon Vladimir Loukine, le changement de camp a été décidé « parce que Tolokonnikova est originaire de la région de Krasnoïarsk, elle est enregistrée à Norilsk (nord de la région de Krasnoïarsk), et purger sa peine dans cette région contribuerait à sa resocialisation. » Pourtant, rappelle Le Monde, le mari de la Pussy Riot et sa fille vivent à Moscou, à des milliers de kilomètres du camp.