"Moi j'ai vu les images des clandestins qui descendaient, qui étaient emmenés en Allemagne de la Hongrie, etc. Eh bien, sur l'ensemble de ces images, il y a 99% d'hommes", a déclaré la présidente du Front national, mardi 8 septembre, sur RMC. Et d'ajouter : "Il y a une ultra minorité de familles".
Le pourcentage hasardeux des hommes "clandestins" donné par l'eurodéputée d'extrême-droite est loin de la réalité. Sur les quelque 10 000 migrants qui ont traversé la frontière entre la Grèce et la Macédoine, entre le 1er et le 6 septembre, 40% étaient des femmes et des enfants, d'après l'Unicef. "Le nombre de femmes et d'enfants arrivant dans les centres d'accueil (...) est probablement deux fois plus élevé que les chiffres officiels, de nombreuses familles n'étant pas officiellement enregistrées", fait même savoir l'organisation onusienne. "Parmi ces femmes, 12% sont enceintes", ajoute son porte-parole, Christophe Boulierac.
Par ailleurs, selon les derniers chiffres fournis par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) , sur les 244 855 arrivées de réfugiés enregistrées dans les îles grecques depuis le début de l'année (dont 69% de Syriens), 21% étaient des enfants, 13% des femmes et 66% des hommes. De quoi, au passage, infirmer la seconde assertion formulée par Mme Le Pen au micro de RMC : "Je pense que des hommes qui quittent leur pays pour laisser leur famille là-bas, ça n'est pas pour fuir la persécution. C'est évidemment pour des raisons économiques". Objectif de l'élue frontiste : présenter ces "clandestins" comme des migrants économiques et non comme des réfugiés.
"Si l'on s'en tient aux critères de l'asile, il faut être persécuté par le gouvernement en place. Ceux qui sont combattus par le gouvernement en place, ce sont les fondamentalistes islamistes. Alors vous voyez qu'avec ce genre de critères, on se prépare peut-être à des lendemains qui déchantent", déclarait Marine Le Pen, le 31 août dernier sur iTélé . Une sortie en guise de réponse à la phrase prononcée par le Premier ministre, Manuel Valls, affirmant, la veille, lors des universités d'été du Parti socialiste de La Rochelle : ceux qui "fuient les guerres, les persécutions, la tortures, les dictatures doivent être accueillis".
Quatre ans après le début de la révolution syrienne, le conflit a fait plus de 215 000 morts, dont 66 000 civils, et près de 4 millions de réfugiés se trouvent en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Egypte. Plus d'une dizaine de milliers d'enfants figurent parmi les victimes de cette guerre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. En outre, le journaliste Maxime Vaudano précise sur Les Décodeurs "qu'entre août 2014 et août 2015, 80 % des victimes ont été tuées par les forces gouvernementales (armées régulières, milices locales et milices chiites étrangères", et 10% par l'EI (Etat islamique, ndlr). La proportion reste assez similaire que l'on considère les civils ou les militaires tués".
A la lumière de ces chiffres et de l'utilisation avérée, selon les inspecteurs de l'ONU, d'armes chimiques par Bachar al-Assad contre la population syrienne, notamment lors d'une attaque perpétrée le 21 août 2013 dans les faubourgs de Damas et qui aurait fait 1 429 morts, difficile d'abonder dans le sens de la présidente du FN.
François Hollande a annoncé, lundi 7 septembre, l'accueil de 24 000 nouveaux réfugiés en France dans les deux ans à venir, conformément au plan de répartition des arrivants mis en place par la Commission européenne. L'objectif : répartir au sein des pays membres environ 120 000 personnes ayant fui la guerre et actuellement en Grèce, en Italie et en Hongrie. Des quotas calculés pour chaque pays en fonction du nombre d'habitants, du nombre de demandes d'asile et du PIB. Ainsi, 31 443 nouveaux réfugiés seront accueillis en Allemagne, selon le plan bruxellois, 14 931 en Espagne ou encore 4 564 en Belgique.
24.031 nouveaux réfugiés, "un chiffre volontairement et largement sous-évalué", pour Marine Le Pen, qui a estimé dans un communiqué publiée après la conférence de presse présidentielle que le chef de l'Etat "confirme", par cette décision, "la politique de submersion migratoire". Si la présidente du FN se fonde sur ce chiffre, la "submersion" annoncée fait pschitt. En effet, rapporté au nombre d'habitants en France, l'accueil de ces nouveaux arrivants équivaut à 4 réfugiés pour 10.000 habitants.
Par ailleurs, la France est loin d'être l'Etat membre de l'Union européenne le plus généreux en matière d'asile. En 2014, le pays comptait 62 735 demandeurs d'asile, soit 10% du nombre total de demandes enregistrées au sein de l'Union européenne (626 065), selon les données fournies par Eurostat (64 811, d'après le ministère de l'Intérieur). Bien loin derrière les 202 645 demandes enregistrées en Allemagne l'an passé. La France est aussi globalement moins généreuse que ses voisins en matière d'acceptation des demandes. Seules 14 589 demandes ont reçu une demande favorable, soit 21,4% de réponses positives contre 48,6% Outre-Rhin.
Derrière le terme "submersion" se cache la théorie d'un prétendu "grand remplacement" démographique régulièrement exaltée par l'extrême droite. Là encore, la réalité est tout autre. En 2011, les étrangers (personnes résidant en France sans en posséder la nationalité), représentaient 5,8% de la population française, d'après l'Insee. Le pourcentage s'élevait à 6,3% en 1982. Les immigrés, 5 493 452 personnes en 2011, représentaient quant à eux 8,4% de la population (contre 7,2% en 1982). Entre 2004 et 2012, la population immigrée a enregistré une croissance de 90 000 personnes par an, pour s'établir à 5,8 millions en 2013. La "submersion migratoire" n'est donc pas une réalité.