"Si vous jouiez votre meilleur match, pensez-vous que vous pourriez marquer un point contre Serena Williams ?". C'est une question qui prête à rire. Elle fait partie d'un sondage effectuée par YouGov sur un échantillon représentatif de la population britannique. Le résultat vous fera sourire encore plus : un homme sur huit pense pouvoir réaliser l'exploit, c'est à dire 12%. On leur souhaite bonne chance face à la gagnante du Grand Chelem féminin. "C'est ce que l'on appelle dans le jargon du tennis : être putain de déconnecté de la réalité", s'est amusé à ce titre l'auteur James Felton.
"Cela en dit long sur le patriarcat", déplore de son côté Stylist.com. Le journal s'interroge : pourquoi nous parler de Serena Williams et pas de Roger Federer ou de Rafael Nadal ? Le sexe de Serena Williams laisse-t-il ces messieurs supposer qu'ils ont une petite chance ? Plus modestes (ou réalistes, au choix), 14% des hommes ont quant à eux préféré répondre "je ne sais pas". On salue leur lucidité. La tenniswoman, elle, se fiche pas mal de ces mecs trop sûrs d'eux. Car entre deux matches, elle n'en finit pas de les déstabiliser.
Et oui, Serena Williams enchaîne les smashes féministes. En Une du prestigieux magazine Harper's Bazaar, elle dévoile son corps, non retouché, auréolé d'un sous-titre riche de sens : "La vérité nue". Sans filtre, elle cingle à l'intérieur : "Pourquoi lorsque les femmes sont passionnées, elles sont qualifiées d'émotives, folles et irrationnelles, alors que les hommes sont perçus comme passionnés et forts ?".
L'espace d'un long texte aux allures de tribune, l'athlète dénonce les discriminations sexistes. A ses yeux, l'accueil médiatique des coups de colère d'une sportive en dit long sur l'état de la société où elle évolue. "Nous n'avons pas le droit d'avoir des émotions. On nous dit de nous asseoir et de rester silencieuse" déplore-t-elle. Ce qui n'est pas sans rappeler ce qu'elle affirmait déjà, en tant que narratrice, dans la pub Nike - et ode aux championnes - diffusée à la dernière cérémonie des Oscars : "Si nous exprimons nos émotions, on nous traite de drama queens".
Il y a deux jours encore, suite à sa défaite face à Simona Halep en finale de Wimbledon, une journaliste demandait à la sportive ce qu'elle pensait de tous ceux qui préféreraient "qu'elle arrête de se battre pour l'égalité pour mieux se focaliser sur le tennis". Et Serena Williams de répondre : "le jour où j'arrêterai de me battre pour l'égalité et les gens qui me et vous ressemblent, je serai dans ma tombe". Difficile de rêver répartie plus badass. Dans les pages d'Harper's déjà, elle réitérait son désir "d'élever la voix contre les injustices". Une lutte constante qui, selon ses mots, émane de tous les mauvais coups qu'on lui décoche depuis des années, de l'inégalité salariale au body shaming, entre cette honte qu'elle a pu ressentir "à cause des formes de [son] corps" et ces pénalisations qu'elle s'est vue subir "pour avoir grogné trop fort".
"C'est honteux que notre société pénalise les femmes simplement parce qu'elles sont elles-mêmes", tacle-t-elle en ce sens. Force est de constater qu'en dehors du terrain, les coups de Serena Williams ne perdent rien de leur puissance. Bon courage aux 12 % qui voudraient l'affronter à l'intérieur !