Une figure politique française doublée d'une grande dame vient de s'éteindre. L'ancienne ministre Simone Veil est morte chez elle ce 30 juin 2017 à l'âge de 89 ans, a annoncé son fils Jean Veil. "Ma mère est morte ce matin à son domicile. Elle allait avoir 90 ans le 13 juillet", a-t-il simplement déclaré.
Pour beaucoup, Simone Veil incarnait à la fois le visage des rescapés de la Shoah et la lutte pour les droits des femmes. Née en 1927 à Nice, Simone Jacob a vu toute sa famille se faire déporter. Elle est finalement arrêtée le 30 mars 1944 à Nice alors qu'elle réside chez son professeur de lettres classiques. Rapidement déportée à Auschwitz-Birkenau. Arrivée sur place, une femme lui conseille de dire qu'elle est âgée de 18 ans (elle a en fait 16 ans) pour éviter la chambre à gaz. Elle reçoit son matricule sous la forme d'un tatouage dès le lendemain. Le 18 janvier 1945, les Allemands inquiets de l'avancée des Soviétiques, entraînent 40 000 déportés vers le camp de Bergen-Belsen. C'est ce que l'on appellera plus tard la marche de la mort. En compagnie de sa mère et de sa soeur, Simone Veil arrive donc à Bobrek. Sa mère décède du typhus peu après, mais sa soeur est sauvée de justesse de la maladie grâce à l'arrivée des alliés.
Dès son retour sur le sol français, Simone Veil se met au travail. Elle s'inscrit à Sciences Po, se marie, et devient mère de trois garçons. Elle veut être indépendante alors lutte avec son mari pour pouvoir travailler. Antoine Veil finit par accepter et lui propose de s'orienter vers la magistrature. Interrogée par Le Monde, l'ancienne députée UMP Françoise de Panafieu, revient sur l'énergie et le courage de Simone Veil :
"Elle a toujours eu un instinct vital très fort, comme si elle voulait inscrire son nom et celui de sa lignée dans la pierre. Quand on a survécu au plus grand drame du XXe siècle, on ne voit évidemment pas la vie de la même manière. Les enfants, le travail, la politique : elle a tout fait comme si elle défiait la mort. Elle voulait être exemplaire aux yeux de ses enfants, de ses proches et surtout, de tous ceux qu'elle a perdus".
Au début des années 70, Simone Veil devient la première femme secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature. Puis, en 1974, Jacques Chirac, alors premier ministre, lui propose de devenir ministre de la santé. Elle accepte et arrive au moment opportun. En effet, à cette époque, le Planning Familial pratique des avortements illégaux. Simone Veil décide alors de présenter rapidement un texte pour autoriser l'IVG. Son discours prononcé le 26 novembre 1974 à la tribune de l'Assemblée Nationale restera dans les annales. Extrait :
"Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme, je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame.. C'est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s'il admet la possibilité d'une interruption de grossesse, c'est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. Nous pensons ainsi répondre au désir conscient ou inconscient de toutes les femmes qu se trouvent dans cette situation d'angoisse, si bien décrite et analysée par certaines des personnalités que votre commission spéciale a entendues au cours de l'automne 1973. Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation ce détresse, qui s'en préoccupe ? La loi les rejette non seulement dans l'opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l'anonymat et l'angoisse des poursuites. Contraintes de cacher leur état, trop souvent elles ne trouvent personne pour les écouter, les éclairer et leur apporter un appui et une protection. Parmi ceux qui combattent aujourd'hui une éventuelle modification de la loi répressive, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d'aider ces femmes dans leur détresse ? Combien sont-ils ceux qui au-delà de ce qu'ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l'appui moral dont elles avaient grand besoin ?"
Malgré les attaques des politiques et les centaines de lettres de menace, la loi est acceptée. Elle entre en vigueur le 17 janvier 1975. Se faisant, Simone Veil devient alors la figure française de la lutte pour les droits des femmes.
En 1979, Simone Veil est nommée présidente du premier Parlement européen. Après plusieurs années passées à bâtir l'Europe, elle se retire peu à peu de la vie politique à partir des années 90. Elle quitte le Conseil constitutionnel en 2007, puis, quelques semaines plus tard, elle se retire de la présidence de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.