Grippe, fièvre, migraine… Plus d’un Français sur deux (55%) viendrait travailler tout en étant malade, selon une enquête menée par le sociologue et consultant RH Denis Monneuse pendant près de huit ans. Un phénomène lié à la crise économique et à un taux de chômage élevé qu’il qualifie de « surprésentésime » : « Le présentéisme est une notion fourre-tout qui peut prendre plusieurs forme : il peut être contemplatif - être présent physiquement au travail mais occupé à faire autre chose -, ou compétitif – pour se faire bien voir de son patron et de ses collègues. Le surprésentéisme consiste, lui, à travailler alors qu’un arrêt de travail aurait été légitime eu égard à son état de santé dégradé. » Et selon le sociologue, ce comportement représenterait « environ 10 jours par personne et par an ».
Mais comment expliquer ces chiffres ? Selon le sociologue, toutes sortes de pressions (financière, managériale, sociale, de charge de travail) seraient à l’origine de ce comportement : « Beaucoup de salariés et de travailleurs indépendants que j’ai rencontré au cours de mon enquête disaient : "Je ne peux pas me permettre de m’arrêter". Une pression à laquelle s’ajoute les traits de personnalité propre à chacun : il y a la conscience professionnelle qui fait que certains hésitent à deux fois avant de s’absenter quand ils sont malades ou bien encore la culture familiale. Certains disent : "Je n’ai jamais vu mon père s’arrêter" ou bien "mes parents m’envoyaient à l’école même quand j’avais de la fièvre". » Et sur ce point, salarié précaire ou patron, tous sont égaux. Même si les causes sont souvent bien différentes, l’ensemble des catégories sociales sont touchées : « Bien sûr, ce n’est pas la pression financière qui empêche un cadre supérieur de s’arrêter mais plutôt une question d’image. Il ne veut pas envoyer ce qu’il considère comme un signe de faiblesse et il veut montrer l’"exemple". »
Un phénomène d’autant plus inquiétant qu’il n’est pas sans danger pour le salarié sur le court comme sur le long terme : « Toutes les études montrent que le surprésentéisme dégrade l’état de santé des salariés qui s’y adonnent. Au lieu de s’arrêter quelques jours, ils risquent de devoir s’absenter pour une période plus longue quelques mois ou quelques années plus tard. Car la pathologie s’aggrave du fait de l’absence d’un temps de convalescence. Dans les cas extrêmes, le surprésentéisme peut mener au burn-out ou à des accidents vasculaires cérébraux. » Une situation qui devrait peser, de surcroît, sur sa carrière professionnelle, étant alors considéré comme « un salarié cassé qui n’est plus à même d’occuper un poste à responsabilités » par son employeur.
Les entreprises ont donc tout intérêt à lutter, elles aussi, contre ce phénomène. Car si « à court terme, il peut être perçu comme un phénomène positif, un signe d’attachement et d’engagement au travail », à long terme « l’entreprise risque d’être perdante » : « Il y a tout d’abord l’effet contagion qui peut être dangereux. Ensuite, il y a un risque de dégradation des relations sociales car le malade est plus irritable, moins patient, parfois plus agressif. Enfin, le surprésentéiste est moins productif et risque de commettre des erreurs d’inattention qui peuvent se traduire par un accident de travail ou une baisse de la qualité des biens et services produits », conclut le spécialiste. Les managers comme les DRH peuvent donc apprendre à reconnaître certains signent avertisseurs : « D'une part les maladies visibles, évidemment. Et d’autre part, certains comportements liés à la maladie : fatigue, troubles de mémoire, irritabilité, erreurs d’inattention… »
À lire : Denis Monneuse, Le surprésentéisme : travailler malgré la maladie, Editions De Boeck, 2013.
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