« Procéder à toutes constatations matérielles utiles sur la base américaine de la baie de Guantanamo », telle est la demande formulée par la juge d’instruction française Sophie Clément, dans sa commission rogatoire internationale (CRI) du 2 janvier, consultée par l’AFP. Saisie par trois anciens détenus français pour des plaintes visant des actes de torture et de barbarie, la juge souhaite obtenir tous les éléments nécessaires à son enquête. Mourad Benchellali, Nizar Sassi et Khaled Ben Mustapha, les trois plaignants, ont été arrêtés fin 2011 à la frontière afghano-pakistanaise et envoyés vers le camp américain de Cuba. Ils sont revenus dans l'Hexagone en 2004 et 2005.
Dans sa CRI, la juge demande un accès à « tous les documents détenus » par les autorités américaines concernant les trois hommes, en particulier ceux relatifs « aux conditions de leur arrestation, de leur transfert et de leur détention dans un camp militaire à Kandahar », en Afghanistan, « puis de leur transfert et de leur détention » à Guantanamo. Outre ces documents, la juge souhaite pouvoir « identifier » et recueillir le témoignage de « toutes les personnes ayant été en contact » avec les trois Français, que ce soit à Kandahar ou à Guantanamo. A leur retour en France, ils avaient effectué entre 11 et 17 mois de détention. Ils ont été condamnés à un an de prison ferme pour terrorisme en 2011 mais ont annoncé vouloir se pourvoir en cassation.
Sophie Clément détaille, dans sa demande d’enquête, les dénonciations des trois hommes : coups, humiliations et privations, mais aussi administration forcée de médicaments. On peut lire sur le site du Point (rapportant l’AFP) le récit des conditions de détention à Kandahar par Mourad Benchellali : « Ils nous empilaient les uns sur les autres alors que nous étions nus et ils prenaient des photos ». « Ils nous menottaient dans des positions douloureuses comme par exemple attachés à une barre au-dessus de notre tête ou bas dans notre dos », poursuit-il. Khaled Ben Mustapha a « par ailleurs décrit des violences sexuelles qu'il aurait subies à Kandahar, qu'il désignait comme des attouchements mais qui seraient susceptibles de constituer des viols », écrit la juge dans son CRI.
Me William Bourdon, l’avocat de deux des ex-détenus, estime que la demande de la juge Clément aux Américains est « sans précédent et doit permettre d’identifier les responsables de cette séquestration arbitraire et des tortures commises ». « L'administration américaine doit respecter ses obligations internationales et ce en écho avec les déclarations du président Obama qui avait déclaré vouloir fermer Guantanamo et faire cesser la torture », a-t-il déclaré à l'AFP. La prison de Guantanamo, ouverte il y a dix ans, compte encore 171 détenus. Le président Barack Obama n’a jamais pu tenir sa promesse de fermeture du site, la question du transfert des détenus sur le sol américain étant devenue un vrai casse-tête dans l’opinion nationale. Le 31 décembre dernier, il a promulgué une loi sur le Budget de la Défense, votée par le Congrès, qui empêche tout transfert de détenus, et entérine l’impasse actuelle.
Elodie Vergelati
(Sources : AFP, Le Point.fr, Lenouvelobs.fr)
Crédit photo : AFP/Sophie Clément
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