L’enfance et l’adolescence : une période de la vie plus vulnérable propice à la consommation de drogues.
Plus l’usage de drogues est précoce, plus il comporte de risques de s’engager dans un processus addictif grave. Or, précisément au moment de l’adolescence, l’individu traverse une période de crise. Il est à la recherche de nouvelles expériences, d’autant plus quand elles transgressent l’interdit. Il est donc prêt à adopter des comportements à risques et à ce titre, la consommation de drogues est en première ligne.
Les conséquences sanitaires sont nombreuses. Les effets du cannabis, outre les risques associés à la combustion du tabac, sont la réduction des capacités de mémorisation et d’apprentissage, particulièrement problématique durant les études. Mais il peut aussi donner lieu à des symptômes psychiatriques et même conduire à un état de dépendance psychique à l’origine de problèmes relationnels, scolaires et professionnels.
De la consommation de cocaïne peut résulter des complications cardiaques ou neurologiques (accident vasculaire cérébral, convulsions, etc.). Le partage du matériel peut également être à l’origine d’infections bactériennes (abcès cutanés locaux, septicémies) ou virales. Quant à l’ecstasy et les amphétamines, à l’origine de troubles neuropsychiatriques (crise d’angoisse, confusion, désorientation temporo-spatiale, hallucinations). Ces drogues dites récréatives sont consommées à la faveur des milieux festifs et les jeunes peuvent y être confrontés facilement.
Les conséquences sur la santé sont dévastatrices, mais elles ne sont pas les seuls effets de la consommation de stupéfiants. La loi est faite de telle manière que l’usage et le trafic de drogues peuvent donner lieu à des sanctions judiciaires, y compris pour les mineurs.
Que risque l’enfant sur le plan judiciaire ?
Même si la loi relative aux stupéfiants ne distingue pas selon que l’usage est commis par un mineur ou un majeur, l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante invite les juges à donner la priorité aux mesures de protection, d’assistance et d’éducation. Ainsi, les mineurs ne sont pas exempts de sanction.
Avant 13 ans, un mineur ne peut pas se voir infliger une peine de prison. Entre 13 et 16 ans, le tribunal pour enfants peut prononcer une peine privative de liberté, mais inférieure à la moitié de la peine encourue prévue par le Code pénal. Ainsi, pour trafic de stupéfiants, un adolescent de 13 ans pourrait théoriquement être condamné à 5 ans de prison maximum. Entre 16 et 18 ans, le tribunal pour enfants peut ne pas appliquer l’excuse de minorité, en fonction de la personnalité du délinquant, en cas de récidives ou s’il y a des circonstances atténuantes.
Cela dit, même si la loi prévoit des peines de prison, celles-ci sont rarement mises en œuvre dans les faits. Ceci dénote bien de l’esprit de la loi qui privilégie encore et toujours la répression plutôt que la prévention. Selon les statistiques du ministère de la Justice, en 2011, 50 000 personnes ont été condamnées pour trafic de stupéfiants. Parmi elles, 3413 ont été jugées devant des tribunaux pour enfants. Chiffre certes faible, mais pas inexistant.
Pour les jeunes adultes âgés de 18 et plus, la loi s’applique sans ménagement. Un usager de drogue risque un an d’emprisonnement et une amende de 3750 euros, et ce peu importe la quantité de drogue saisie. Il risque même de se voir frappé d’interdictions professionnelles, et celles-ci concernent notamment la fonction publique (en particulier l’éducation nationale), les commerçants, la banque et l’assurance, les agents immobiliers et les agents de voyages ou l’édition de livres et de journaux destinés à la jeunesse.
Le « Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011 » prévoyait de lancer de vastes campagnes d’information afin d’avertir des conséquences sanitaires comme judiciaires de l’usage des stupéfiants. Les parents étaient également au cœur du plan, pour les aider à jouer au mieux leur rôle auprès des enfants. Des campagnes de sensibilisation étaient également prévues dans les milieux scolaires.
Les résultats n’ont pas vraiment été au rendez-vous. L’enquête ESCAPAD 2011 et l’étude de l’OFDT « Drogues et addictions, données essentielles » ont montré que 41,5 % des jeunes avaient déjà expérimenté le cannabis et que 6,5 % en faisaient un usage régulier. Ces chiffres placent les jeunes Français en tête des consommations au niveau européen. Autre addiction dénombrée : l'alcool. Sa consommation par les jeunes français est elle aussi au-dessus de la moyenne européenne, 50 % d'entre eux ayant connu une alcoolisation ponctuelle importante.
Le 19 septembre 2013, rebelote, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault ayant présidé le Comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie en présence de l’ensemble des ministres concernés. « Empêcher, retarder, limiter les consommations des jeunes » constitue le premier volet de la priorité numéro 2 du plan gouvernemental. Les moyens d’action sont peu ou prou les mêmes, combinant prévention, accompagnement et soin. Peut-on vraiment s’attendre à ce que cette politique soit efficace dans les années à venir ?
Il est bien beau de redéployer tous les 5 ans des plans de lutte, mais tant que l’esprit de la législation restera le même, à savoir essentiellement répressif, il y a peu de chance que les résultats soient au rendez-vous et que les prochaines enquêtes délivrent des chiffres plus positifs.
Les dispositions légales en amont sont à concevoir dans une perspective d’alerte à l’origine de suivi et d’accompagnement. Ceci ne devrait pas être réservé aux programmes de prévention. Le Gouvernement ne peut pas jouer sur les deux tableaux, à savoir condamner dans l’esprit et prévenir dans la lettre.
En outre, la multitude des acteurs institutionnels en charge de ces questions rend impossible l’application d’une stratégie de lutte claire. Rien que pour la prévention, trois entités distinctes coexistent en France : la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), créée en 1982, Drogue alcool tabac info service (DATIS), créé en 1990 et placé sous l’autorité de la MILDT, et l’Observatoire français de la drogue et des toxicomanies (OFDT) créé en 1995.
C’est une hydre aussi impressionnante qu’inefficace dont il conviendrait d’imaginer la refonte. Ce n’est qu’à la condition d’une gouvernance unique que la France pourra réellement appliquer une stratégie de lutte rationnelle.