Plus de deux ans après le début de la Révolution du jasmin en Tunisie, le pays reste divisé sur de nombreux sujets. Dernier exemple en date avec l’ouverture du procès d’Habib Kazdaghli, le doyen de la faculté des sciences humaines de Tunis, accusé d’avoir giflé une étudiante portant le niqab ; une affaire qui a réveillé les tensions sur la tenue que devrait, selon certains, revêtir toute femme tunisienne.
Âgée de 30 ans et titulaire d’un master en sciences, Nejla Othman prône l’application stricte de la charia dans son pays. « Il n’existe aucun article dans la constitution tunisienne qui interdise le port du voile intégral ! La justice est encore aux mains des gens de Ben Ali et les professeurs à la fac sont totalement racistes à notre égard », affirme-t-elle dans les colonnes du Journal du Dimanche, tandis que Samia, 22 ans, étudiante en espagnol à l’université de Manouba estime que « la charia est la quintessence de l’interdit, et c’est justement de ça dont les gens ont besoin. La charia, c’est pour le bien des hommes et des femmes ». Et d’ajouter : « On ne veut pas de votre démocratie occidentale ».
Un avis que ne partagent pas toutes les étudiantes, de même que les écrivains, éditeurs, penseurs et autres professeurs craignant « l’islamisation brutale » dont semble victime la Tunisie. « En octobre 2011, on n’a pas pu passer nos examens. C’est une minorité vocale qui commence vraiment à prendre de l’ampleur », déplore Khaoula Rachidi, une universitaire de 25 ans qui s’était opposée, en mars dernier, à l’occupation de son établissement par les islamistes. « Nous vivons cette islamisation rampante depuis dix ans maintenant. Elle a été instrumentalisée par l’ancien régime. Elle s’est introduite dans les maisons via le petit écran, grâce aux chaînes satellitaires du Golfe qui diffusent ainsi un islam joli à regarder et à entendre, et sur lequel des femmes, en majorité, ont bricolé une forme de pensée dite islamiste », analyse quant à elle Jinene Limam, professeur de droit public, à la faculté des sciences politiques de Tunis. La jeune femme de 38 ans fut pourtant l’une des premières à défendre les étudiantes portant le hijab à l’université, jugeant ne pouvoir s’opposer à ce type de liberté individuelle. Mais s’agissant du niqab, la situation est toute autre : « elles symbolisent une islamisation criante ».
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