"Je suis vieille et je vous emmerde". On ne peut pas dire que Laure Adler mâche ses mots. Le temps d'une chronique (première d'une rubrique en quatre parties) publiée dans Libération, la journaliste a fustigé l'âgisme avec éloquence. Autrement dit, cet ensemble de préjugés, discriminations et stigmatisations relatif aux individus passé un certain âge, et notamment aux femmes une fois passé le cap de la cinquantaine.
Stigmatisation, mais aussi pressions diverses, que la journaliste dénonce volontiers dans un premier temps : "faire corps avec le présent n'est pas chose aisée et les injonctions de la société vous travaillent sans cesse pour que vous deveniez ceci, espériez être cela, que votre énergie soit tendue vers quelque chose. Cet appel à un futur vous coince dans une forme d'angoisse et vous renvoie à vos incapacités. En vieillissant l'étau se desserre", écrit-elle.
Un appel particulièrement pressant par la manière dont la société l'impose aux femmes. Face à cela, Laure Adler se permet de rappeler une vérité précieuse : "Vieillir est synonyme de perte, perte de mémoire, perte de repères, perte de moyens, perte de vue, mais vieillir pourtant ce n'est pas courir à sa perte, ce n'est pas parce qu'on est vieux qu'on est bon à jeter à la benne aux ordures".
Et si vieillir était une force ?
C'est tout du moins ce qu'affirme Laure Adler dans ce texte puissant en forme de manifeste. Elle l'énonce avec conviction : "Vieillir, c'est être sauvage, en colère, passionné, ce n'est pas renoncer, devenir raisonnable, c'est ne plus attendre quoi que ce soit de ce que vous n'aimez pas et que vous avez tout de même fait parce que vous vous y sentiez obligé". Et si l'âge permettait, plus qu'une maturité, une forme de libération ? D'émancipation ?
L'âgisme est de plus en plus mis en lumière par des personnalités médiatiques. Récemment encore, Halle Berry, Emmanuelle Béart et Kate Winslet l'abordaient haut et fort. Laure Adler, de son côté, dénonce à Libé le traitement "des vieux" dans la société, des "pré-seniors convoqués à l'âge de 45 ans dans les entreprises et à qui l'on explique qu'ils ne sont plus assez performants" à la crainte des rides et banalisation du lifting (un discours critique sur la chirurgie esthétique là encore de plus en plus partagé par des personnalités féminines), en passant par le fait "d'envoyer les vieux dans des Ehpad où plus c'est cher moins il y a à bouffer". Un état des lieux virulent.
"Nous, les vieux, on a la certitude qu'on décide à notre place de ce que et comment nous devons vivre. On nous met loin du coeur des cités pour ne pas déranger", fustige enfin Laure Adler au gré de ce témoignage. Un texte qui n'hésite pas à bousculer pour interroger la manière dont l'exclusion se traduit dans notre système. Cependant, la journaliste l'affirme dans ce manifeste très relayé : "J'ai hâte d'encore vieillir. Tant de choses à faire".