Les cinémas ont enfin rouvert ce 19 mai. L'occasion d'aller voir le film L'étreinte du réalisateur Ludovic Bergery. Emmanuelle Béart y incarne Margaux, veuve quinquagénaire de retour à la fac. Un film salué par la critique, et un come-back notable : celui de l'une des actrices emblématiques du cinéma français sur grand écran. Celle dont le jeu a été si bien capté par Claude Sautet, André Téchiné ou encore François Ozon se fait effectivement rare sur les écrans depuis quelques années, se tournant davantage vers le théâtre.
Et il y a une raison à cela. L'espace d'une interview dédiée au magazine Paris Match, l'actrice explique : "J'ai le droit d'avancer en âge, de vieillir. Mais j'ai senti que le cinéma ne me l'autorisait pas". Elle affirme, même, tranchante : "J'avais atteint un âge charnière où on change d'emploi". Ce qu'Emmanuelle Béart fustige ici, c'est l'âgisme. A savoir, cet ensemble de préjugés ciblant un individu en fonction de son âge avancé.
Un phénomène qui touche principalement les femmes et se déploie bien au-delà de la scène artistique.
"Si je m'étais cramponnée à ma jeunesse, je serais devenue barge. Alors je me suis barrée au théâtre", poursuit Emmanuelle Béart. L'actrice de 57 ans semble tirer un triste constat : les femmes de 50 ans et plus sont les grandes invisibles de la société française, et le cinéma, entre tous les champs créatifs, en témoigne particulièrement.
Non sans humour, la comédienne l'assure : "Je ne suis plus comme dans 'Elle' il y a vingt ans !". Une allusion à l'une des fameuses couvertures du magazine féminin, où l'on voit l'actrice nue, de dos, dans la mer, à l'île Maurice.
Sur le plateau de l'émission C à Vous, Emmanuelle Béart est d'ailleurs revenue sur la symbolique de cette Une pas comme les autres. Et militante.
"Je me souviens très bien de la rédaction du Elle. Personne ne voulait mettre cette photo. On me l'a proposée, comme ça, et j'ai dit 'Mais si ! Vous mettez tout le temps des filles de 14 ans à poil qui n'ont pas de formes, filiformes. Il faut mettre une femme de 40 ans. Il faut l'assumer, cette couverture. C'est un acte féministe", détaille-t-elle. Une volonté d'être soi qui se retrouve aujourd'hui dans ses mots, et ses choix d'artiste.
"Je ne vois pas une seule féministe qui s'empare vraiment de la question de l'âgisme en France. Comme s'il y avait une crainte de devoir se projeter dans dix ou vingt ans. Il faut croire que certains biais sont très bien intégrés dans notre façon de pensée", s'attristait la journaliste Sophie Dancourt, créatrice de J'ai piscine avec Simone, média digital qui donne de la visibilité à la génération des femmes de 50 ans.
Et si tout cela changeait ?