Ce 1er décembre au soir, l'Assemblée nationale a adopté in extremis une proposition de loi du député LR Aurélien Pradié visant à créer une "juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales". Le texte a obtenu 41 voix pour et 40 contre.
Adoptée en première lecture, la proposition doit dorénavant être transmise au Sénat, à majorité de droite. Ce texte prévoit la mise en place d'une juridiction spécialisée basée sur le modèle de l'Espagne, associant "les pouvoirs du juge civil et du juge pénal", en s'appuyant "sur des référents au sein de chaque parquet", a expliqué Aurélien Pradié, comme le rapporte l'AFP.
Depuis la mise en place de cette juridiction en Espagne, pour laquelle travaillent des magistrat·e·s spécialement formé·e·s sur ces questions, les victimes de violences conjugales oseraient davantage porter plainte, près de quatre fois plus qu'en France, et le nombre de femmes tuées aurait baissé de 24% selon les autorités, indique L'Express.
En droit français, il existe déjà de nombreuses juridictions spécialisées, comme le rappelle L'Express, à l'instar des tribunaux de commerce ou du conseil de prud'hommes. Les mineurs, avec le Tribunal et la Cour d'Assises pour enfants, les militaires, ainsi que les personnalités politiques telles que les ministres ou le président dépendent aussi de juridictions spéciales, certaines affaires nécessitant des compétences particulières pour être jugées.
La proposition a été adoptée non sans mal, le gouvernement ayant notamment été accusé "d'obstruction"."Obstruction du gouvernement ? Pas un seul amendement chez nous", a répliqué le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, présent dans l'hémicycle.
"Vous avez volé le débat", a-t-il ainsi répété à plusieurs reprises à l'adresse des députés LR, rappelant que le gouvernement avait annoncé début septembre le lancement d'une mission parlementaire sur le sujet. "Elle aurait pu dire des choses intéressantes", a-t-il regretté.
Selon lui, "ce texte est un danger, car il désorganise les juridictions". Dénonçant une proposition "faite à la va-vite" et une "loi au rabais", la ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, Isabelle Rome, a annoncé au cours du débat l'organisation d' "un groupe de contact de deux semaines" à l'issue de la mission parlementaire, "pour associer les différents groupes politiques".
Le nombre de féminicides a augmenté de 20% en France en 2021 (122 contre 102 en 2020), selon le bilan des "morts violentes au sein du couple", établi par le ministère de l'Intérieur. Du 1er janvier 2022 au 26 novembre, 124 féminicides ont déjà eu lieu, selon le collectif Nous Toutes.