Certaines salariées ont de la chance. Elles travaillent dans des sociétés qui, pour récompenser leurs performances et leurs efforts sur l'année passée ou leur implication sur un dossier particulièrement retors, n'hésitent pas à leur offrir une augmentation lors de leur entretien annuel d'évaluation.
Mais malheureusement, elles sont minoritaires. Pour beaucoup de femmes (et d'hommes, évidemment), une augmentation de salaire ou une promotion s'obtient après une âpre négociation, au cours de laquelle elles ne sont pas toujours certaines d'arriver gagnantes. Car, comme le rappelle l'expert en management Marc Roussel, la négociation est un jeu dont il est primordial de connaître les règles pour parvenir à ses fins.
Cindy Gallop, publicitaire britannique bien connue outre-Atlantique pour ses interventions lors des conférences TED, a donné au site Bustle.com quelques conseils pour réussir à négocier une augmentation de salaire comme une cheffe.
En France, à compétences égales, les femmes continuent de percevoir en moyenne un salaire de 27% inférieur à celui de leurs homologues masculins. Pourtant, seules 60% des femmes osent demander une augmentation par crainte de se voir opposer un refus ou de ne pas avoir les capacités requises. C'est faux, affirme Cindy Gallop, qui incite les femmes à demander un meilleur salaire pour combler l'écart de rémunération. "Dans une société qui promeut la culture du travail et où la valeur des gens est mesurée par rapport à leur salaire, il est très important d'avoir la mesure de votre valeur. En tant que femmes, nous ne sommes pas prises au sérieux jusqu'à ce que nous nous mettions à bien gagner notre vie. Très simplement, si vous ne demandez pas une augmentation de salaire, si vous ne demandez pas plus d'argent pour le travail que vous accomplissez, vous ne serez pas valorisée."
Quelle est le meilleur moment de l'année pour demander à être augmentée ? Si le parfait timing pour négocier tombe généralement au début de l'automne lorsque les entreprises sont en train de booker les budgets pour l'année à venir, Cindy Gallop recommande tout de même de ne pas attendre l'entretien annuel d'évaluation pour commencer à négocier. Si cette augmentation vous tient à coeur, prenez votre courage à deux mains et demander un entretien auprès de votre supérieur pour l'enquérir de votre situation et commencer les négociations. Même s'il ne vous augmente pas immédiatement, il ne pourra pas feindre la surprise lorsque vous remettrez la discussion sur la table lors de votre entretien annuel.
Pour Cindy Gallop, la réponse est simple. "Vous devriez annoncer le chiffre le plus grand que vous pouvez prononcer sans éclater de rire."
Plus sérieusement, fiez-vous à la grille de rémunérations de votre secteur et annoncez le chiffre le plus haut, celui que vous espérez réellement obtenir, voire un peu plus. Comme il s'agit d'une négociation, il est cependant possible que votre interlocuteur cherche à le diminuer et que vous vous retrouviez avec un salaire moins important que celui espéré. Ce sont les règles du jeu bien sûr, mais pour ne pas être déçue, soyez ferme et convaincante car personne d'autre ne négociera pour vous.
La business woman conseille non seulement d'appréhender l'exercice comme une négociation de son salaire, mais aussi comme un moyen de montrer à votre boss vos ambitions, vos aptitudes à négocier et votre sens des affaires. "Si vous ne faites pas preuve de la même détermination, du même sens de l'engagement et de la même organisation que d'habitude dans votre négociation, vous ne faites pas preuve de votre valeur à votre société. N'oubliez pas que la négociation est une conversation d'affaires comme les autres."
Demander une augmentation n'a rien à voir avec l'avidité. Si vous la méritez et que vous avez travaillé pour, c'est normal que vous vous battiez pour l'obtenir. Reste simplement à mettre les formes pour ne pas braquer votre interlocuteur. "Il n'y a pas que ce que vous dites, il y a la façon de le dire, souligne Cindy Gallop. Le ton et le comportement jouent un rôle énorme dans les entretiens et quand vous adoptez le bon ton, la bonne approche, vous pouvez tout dire."
Pour Cindy Gallop, cela n'a pas d'importance : vous pouvez négocier les deux et n'oubliant pas que les titres de postes sont souvent un moyen de compenser l'absence d'augmentation. Ne vous laissez pas avoir sous prétexte qu'on vous propose un titre plus ronflant. Tant que vous n'aurez pas été augmentée à votre juste valeur, vos supérieurs considéreront que vous ne jouez pas dans la même catégorie qu'eux.
Bien sûr que vous aimez votre job et que vous êtes ravie de la confiance que vos supérieurs ont placé en vous en vous confiant des missions complexes. Cela n'empêche en rien de négocier votre salaire ! Il n'y a aucune raison que la discussion tourne mal si vous présentez les bons arguments : "Voilà comment j'ai démontré ma valeur à l'entreprise, voilà comment j'aimerais voir mes efforts récompensés."
Cindy Gallop vous prévient : il est tout à fait possible que votre supérieur cherche à couper court à votre demande d'augmentation en affirmant que ce n'est pas possible en ce moment. Si cela arrive, soyez prête à prendre un air assuré et à rétorquer aussitôt : "Et quand est-ce que ça le sera ?"
S'il répond qu'il ne peut pas savoir à l'avance car "tout dépend du budget", répondez : "Je comprends parfaitement votre position. Mais je préférerais que nous établissions un échéancier à ce sujet. Qu'est-ce qui vous conviendrait ? Trois mois à partir de maintenant ?"
S'il vous offre un pourcentage de l'augmentation que vous demandez, vous pourrez toujours l'amener à convenir d'un autre rendez-vous où vous pourrez renégocier le montant.
Répondez : "Je en suis pas qu'un simple pion sur l'échiquier. Je fais un travail exceptionnel comme par exemple [détaillez vos réalisations concrètes dans l'entreprise]. Je demande donc que ma valeur dans la société soit reconnue comme telle."
Retournez cet argument en votre faveur en pointant les indéniables qualités que vous apportez à l'entreprise, conseille Cindy Gallop. "Évidemment, c'est ce que j'apprécie dans les start-up. C'est d'ailleurs précisément pour cela que je vous ai rejoints, et la raison pour laquelle je suis si passionnée à l'idée d'aider à faire croître l'entreprise et le chiffre d'affaires [démontrez votre connaissance des défis de l'entreprise]. J'ai d'ailleurs personnellement contribué à relever ces objectifs en faisant [détaillez vos missions] et donc je demande à ce que mes performances soient reconnues. Je voudrais vraiment entendre ce que vous pourriez faire pour reconnaître mon implication et mes bons résultats."
Cindy Gallop de conseille de répondre : "Je suis extrêmement reconnaissante de cela, et si ce que vous dites est que vous ne pouvez pas m'augmenter, alors j'aimerais beaucoup que nous discutions de [mes horaires de travail que j'aimerais plus flexibles, de me donner plus d'autonomie...]. J'aimerais également que nous fixions une date selon vos disponibilités lorsque vous serez en mesure de m'accorder une augmentation de salaire."
Il arrive qu'on vous refuse une augmentation sous prétexte que le budget de l'année a déjà été booké. Rien n'est perdu, si l'on en croit Cindy Gallop, qui conseille de ne pas lâcher l'affaire et de répondre : "Je comprends votre position et vous remercie de partager ces informations avec moi. Y a-t-il des conditions extraordinaires qui pourraient décider le conseil d'administration à faire une exception si la valeur du travail rendu a été jugée plus que satisfaisante ?"
Si l'on vous rétorque que non, demandez s'il vous sera possible de solliciter un autre entretien plus tard dans l'année au cas où les budgets alloués soient réévalués.
Si vous sentez que vous commencez à vous énerver parce que votre supérieur vous émet un refus, demandez absolument à faire une pause le temps de retrouver votre sang-froid pour éviter de dire quelque chose que vous pourriez regretter.
Il est absolument nécessaire de conserver une trace écrite (e-mail, lettre) de vos négociations. À l'issue de l'entretien, remerciez votre supérieur et précisez-lui que vous souhaiteriez que soit consigné par écrit le résumé de vos échanges. Vous pouvez aussi indiquer vos souhaits en termes de rémunération et, si l'entretien est refixé à plus tard, le délai au cours duquel votre salaire sera réévalué.
Si votre patron est incapable de vous donner une bonne raison de refuser une augmentation malgré vos bonnes performances et le bilan dans le vert de l'entreprise, et que vous avez l'impression d'être victime de discrimination, n'hésitez pas à en l'en informer à l'issue de l'entretien. Restez ferme et polie. "Pour information, je voulais vous indiquer que je ne suis pas d'accord avec l'issue de cette conversation et que je vais me rapprocher des délégués du personnel et du service des ressources humaines pour connaître les voies légales de recours."
N'oubliez pas que si vous êtes victime de discrimination ou de harcèlement, c'est à votre employeur et non à vous d'apporter la preuve du contraire.