On avait découvert la trentenaire un 1er décembre, lors du dîner traditionnel norvégien qui lance la saison des fêtes. Son coeur était en vrac, sa vie aussi, et sa famille toujours plus pressante sur la question de ses amours. A l'époque, Johanne se remettait encore de sa rupture avec un dénommé Christian, qui l'avait quittée préférant qu'ils restent "bons amis". Après un repas entier entre ses deux neveux d'à peine un an, elle décidait de prendre sa vie sentimentale en main. Pour elle, mais aussi pour (enfin) faire taire sa mère.
Six épisodes durant, on l'a suivie joyeusement, entre rencards foireux sur les pistes de ski de fond, scandale familial et crush bien partagé pour un Suédois de dix ans son cadet : le merveilleux Jonas. Au milieu de tout ça, il y avait son boulot. Johanne est infirmière à l'hôpital, encadrée par une boss dénuée d'empathie et un médecin qui ne semblait pas lui accorder la moindre attention. Jusqu'à ce que lui aussi, lui avoue ses sentiments.
Le soir de Noël, on comptait donc trois prétendants plausibles. Une mystérieuse personne sonnait à sa porte, sans doute pour lui confesser son amour éternel, et le générique défilait avant qu'on n'ait pu voir son visage, nous imposant par la même occasion un suspense cruel.
On a tout de suite aimé Home for Christmas pour son honnêteté, son humour et ses dialogues francs. L'ambiance cosy des maisons de la petite ville norvégienne, les habitudes qu'ont ses habitant·e·s de se déplacer en luge sur les chemins enneigés, et les insultes improbables balancées par la protagoniste ("P*tain d'anniversaires d'enfants !" étant notre préférée).
C'est kitsch mais juste ce qu'il faut. C'est rassurant, bordélique, attachant. Les relations sont authentiques, leur complexité aussi. C'est l'anti-romcom mielleuse par excellence, et pourtant, on finit quand même avec des larmes au bord des yeux.
A l'aube de la deuxième saison, on avait donc hâte de retrouver cet univers particulier, et fondé de grands espoirs dans cette nouvelle partie qui devait répondre illico à nos questions, s'était-on dit. Seulement quand on la lance, l'histoire ne reprend pas exactement là où on l'avait laissée. Et c'est là que ça devient intéressant.
Il s'est passé un an entre la visite surprise au réveillon et l'introduction du premier épisode. Johanne est de nouveau célibataire après une relation sérieuse d'à peu près la même durée. Son quotidien est sur le point d'être brutalement chamboulé : sa coloc' déménage et ses parents se séparent. Cette année, Noël semble compromis. Ce qui la met dans tous ses états, mais ne l'empêche pas d'accepter quelques dates ci et là pour notre plus grand plaisir : certains sont catastrophiques.
Dans cette saison en revanche, sa quête d'amour semble secondaire. Elle cherche bien à mettre le doigt sur le destinataire d'un paquet mystère, qu'elle imagine comme le prince dans Cendrillon, mais elle tente surtout de panser ses plaies. Ça passe par se bourrer la gueule dans un bar bondé (sensation qu'après un an de Covid, on jalouse sérieusement), alpaguer des inconnus en pouvant à peine aligner trois mots, se faire mansplainer le féminisme sans savoir quoi répliquer, et finir par formuler un discours très alcoolisé et forcément brouillon au premier venu.
Johanne n'est pas parfaite et c'est pour ça qu'on s'identifie autant à elle. Elle est "nous". Quand elle pleure elle est moche, quand elle boit elle n'est pas juste pompette, quand elle a une idée "brillante" elle se retrouve en fait souvent dans des situations pas possibles qui nous font rougir par procuration. Comme la fois où elle urine devant une boutique pour se venger, se fait choper, et se retrouve obligée de finir sa petite affaire devant un public car impossible de s'arrêter. Et puis, il lui arrive de péter un plomb parce qu'elle a foiré le riz au lait.
Elle est authentique, et c'est rafraîchissant.
En 2020, Home for Christmas célèbre aussi les amitiés. Nouvelles comme anciennes. Et aborde ce qu'on pourrait considérer comme l'inverse d'un happy ending : des parents qui divorcent lorsque leurs enfants sont adultes. Un scénario à dix mille années lumières des téléfilms hivernaux produits par Hallmark et Lifetime - et aussi diffusés sur Netflix - qui présentent, entre autres stéréotypes, le mariage comme un lien indéfectible et un passage obligé, peu importe si ce réflexe véhicule des diktats nocifs.
Surtout, le show insiste sur un point crucial : être seul·e n'a rien avoir avec se sentir seul·e. Et c'est grâce à ces message nécessaires, résolument modernes, qu'il finit de séduire.
Pour ce qui est de Johanne et de sa fin heureuse à elle, si on ne veut pas vous gâcher le plaisir de découvrir ces épisodes savoureux et leur dénouement par vous-même, on peut toutefois vous donner un indice : parfois, en amour, il y a une justice. Joyeux Noël.