Quarante-deux ans après l'adoption de la loi Veil, est-il possible d'avorter sereinement en France ? Alors qu'en février dernier, les député.e.s ont définitivement adopté la loi portant sur l'extension du délit d'entrave à l'IVG, la question peut sembler dépassée.
Ce n'est pourtant pas le cas. La loi a beau désormais sanctionner les militant.e.s "pro-vie" (ou plutôt anti-choix) qui délivreraient de fausses informations sur l'interruption volontaire de grossesse via leur site Internet ou leur plate-forme téléphonique, les sites qu'ils gèrent n'ont pas disparu des moteurs de recherche. Pire : ils sont encore extrêmement bien référencés.
Il n'y a qu'à taper "IVG" dans Google pour s'en convaincre. Après les sites hébergés sous le nom de domaine .gouv.fr, et qui donc fournissent une information juste et impartiale sur le droit à l'avortement, le troisième résultat donné renvoie toujours vers un site créé par des anti-IVG.
C'est de ces militants déguisés qui, sous couvert de renseigner les jeunes filles et femmes sur l'IVG, leur fournissent une information erronée et partisane que le réalisateur et photographe Nicolas Doretti a choisi de parler.
Dans L'Entrave, le court-métrage qu'il a co-écrit avec la comédienne du film Marie Coutance, on suit une jeune femme qui, enceinte, cherche à mettre un terme à cette grossesse non-désirée. Comme beaucoup d'autres, Marie appelle une hotline pour se renseigner sur l'interruption volontaire de grossesse. Déjà isolée, se posant de multiples questions, la jeune femme devient la proie d'une militante anti-avortement qui la suit jusque chez elle. Culpabilisé pour son choix de mettre fin à sa grossesse, méprisé par le gynécologue qu'elle consulte lorsqu'elle lui fait part de son désir d'avorter, le personnage joué par Marie Coutance subit les mêmes épreuves que celles de milliers de jeunes filles et femmes en France.
"Lorsqu'on tombe enceinte et que l'on souhaite avoir recours à une IVG, on a tendance à se sentir très seule. Avorter, c'est une démarche très solitaire, nous explique la comédienne et scénariste de L'Entrave. Notre corps n'appartient qu'à nous, c'est une décision qui nous revient. Mais il faut bien avoir conscience que des gens peuvent profiter de cette solitude pour nous culpabiliser, nous faire changer d'avis. C'est pour cela qu'il est important de s'entourer de personnes solides, qui nous épaulent dans notre choix."
Réalisé avec l'aide du Planning Familial de Villeurbanne, dans l'agglomération lyonnaise, L'Entrave est entièrement basé sur des témoignages réels. L'impossibilité d'en parler à ses proches, les fausses informations trouvées sur Internet, le mépris du corps médical... Tout cela est encore aujourd'hui le lot quotidien de celles cherchant à mettre un terme à une grossesse non désirée.
"Parmi les choses qu'on a entendues au Planning, il y a les médecins qui laissent traîner pour que le délai soit dépassé, les centres d'intervention qui sont complets... À cause de ces délais, les jeunes femmes ne peuvent plus choisir leur méthode pour avorter, médicamenteuse ou par aspiration. Certaines sont mêmes obligées d'aller avorter à l'étranger, explique Marie Coutance. Parfois-même, l'anesthésie générale ne leur est pas proposée. Or, les femmes qui ont recours à une IVG devraient connaître toutes les possibilités qui s'offrent à elles. Ça ne veut pas dire qu'elles leur sont systématiquement refusées. Simplement, elles ne leur sont pas proposées ou elles ne savent pas qu'elles existent. L'avortement est déjà une démarche très éprouvante psychologiquement. Dans ce contexte, c'est très compliqué de réclamer et d'affirmer ses droits. C'est d'une violence insoutenable."
Destiné à informer les jeunes et jeunes femmes qui cherchent à obtenir une information claire et impartiale sur le droit à l'avortement, L'Entrave est libre de droits. Il peut donc être téléchargé et utilisé comme support pour des associations ou des lycées. Pour qu'enfin, le droit à l'avortement ne soit plus remis en question.