Elle s'appelle Marshae Jones. Lors d'une dispute, une dénommée Ebony Jemison lui a tiré dessus à Pleasant Grove, en Alabama. La balle qu'elle a reçue dans le ventre a provoqué la mort de son bébé. Ebony Jemison n'a pas encore été inculquée. Mais Marshae Jones, si. Elle a même été placée en détention. Le motif ? Homicide involontaire. Oui, vous ne rêvez pas : on l'accuse d'avoir causé la mort de l'enfant qu'elle devait mettre au monde.
"L'enquête a montré que la seule réelle victime était l'enfant à naître. C'est la mère de l'enfant qui a initié cette dispute, laquelle a causé la mort de son enfant" a expliqué le lieutenant de police local Danny Reid, nous relate Yahoo. Pour l'instant, Marshae Jones n'est donc en rien considérée comme une victime, c'est même l'inverse. Et l'agent d'ajouter : "L'enfant n'a pas choisi de se trouver au milieu de cette dispute. Il comptait sur la mère pour l'en protéger".
Si le procès de Marshae Jones n'a pas encore eu lieu à l'heure où ces lignes s'écrivent, le verdict des internautes, lui, ne s'est pas fait attendre.
"Si le coup de feu l'avait également tuée, l'Alabama l'accuserait-elle de double meurtre ?", ironise une internaute pendant que d'autres voix anglophones insistent sur l'absurdité de la situation ("La prochaine fois, l'Alabama accusera d'homicide les femmes qui se baladant dans un mauvais quartier après la tombée de la nuit, se font agresser et perdent le bébé. Sensationnel") et s'indignent : "Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas avec l'Alabama en ce moment. Je suis content de ne plus y aller cet été. Fuck you all !".
Assumée par les autorités d'Alabama, cette décision n'est pas simplement judiciaire, elle est politique. C'est d'ailleurs ce que suggère cet internaute caustique en nous expliquant que "l'avortement est donc parfaitement légal en Alabama, à condition que vous utilisiez une arme à feu et tentiez également d'assassiner la mère". Ce fait divers morbide n'est pas simplement un cas de "victim blaming" ou "mother blaming" poussé dans ses derniers retranchements (la mère n'aurait pas du faire/dire ça, elle seule est responsable de ce qui lui arrive). Non, il s'agit surtout d'affirmer une forme de violence à l'égard des femmes. Le 15 mai dernier, le Sénat de l'Etat de l'Alabama adoptait un projet de loi anti-avortement des plus restrictifs, l'interdisant strictement, même en cas de viol ou d'inceste, et condamnant à la prison les médecins qui souhaitent y déroger. C'est la même oppression d'Etat, nourrie de discrédit et de culpabilisation, qui agit ici.
L'incongruité toute orwelienne de l'affaire Marshae Jones est la goutte de trop. Sur le web, les "FUCK ALABAMA" s'alignent comme autant de cris de révolte. Rappelons qu'en Alabama, à l'approche du 4 juillet et au nom d'un "appel au patriotisme", un concessionnaire automobile ne se prive pas de distribuer des armes à feu - accompagnés de bibles et de drapeaux américains. Pourquoi s'en priverait-il ? Là-bas, toute personne de dix-huit ans ou plus est autorisée à se procurer un fusil de chasse, sans licence ni permis. En 2017, le nombre d'armes à feu enregistrées s'élevait à 161 641. Un ratio d'armes par habitant des plus confortables. Mais il faut croire que le problème ne vient pas de celui ou de celle qui brandit le canon.