On n'a jamais autant parlé d'Alain Delon que depuis sa mort, le 17 août 2024. Quelques jours après son décès, dans cet article, on s'indignait ainsi d'apprendre qu'il avait exigé que son chien soit euthanasié à sa mort pour l'accompagner dans la tombe. Et ce n'était pas la première information qui contredisait son statut d'icône.
Quelques mois avant son décès, son ex-compagne, Anne Parillaud, s'était confiée sur la violence de l'acteur à son égard lorsqu'ils étaient ensemble. On passe également sur l'amitié de cet énième "monstre sacré" avec Jean-Marie Le Pen ou encore ses propos misogynes. "Si une gifle c’est machiste, oui, j’ai dû être machiste. Mais j’en ai pris aussi, vous savez, des gifles", avait-il déclaré dans l’émission Thé ou café, en 2018. Mais pour une fois, ce qui nous indigne, ce n'est pas ce dont Delon est coupable, mais plutôt ce dont il est victime.
Ironie du destin pour celui qui avait qualifié l'homosexualité de "contre-nature", en 2013, Alain Delon vient d'être outé par son biographe. Le 13 novembre, le journal Le Parisien a en effet publié une interview de Bernard Violet, auteur du livre Les Derniers Mystères Delon. Tous ses secrets révélés, dans lequel ce dernier déclare : "compte tenu de son époque et de son statut, la bisexualité d’Alain Delon était impossible à révéler". Et c'est sur ces mots que Le Parisien a choisi de titrer son article. Lui et beaucoup d'autres médias d'ailleurs. Et c'est bien cela le problème.
Visiblement, certains n'ont toujours pas compris ce que la communauté LGBT+ s'évertue à répéter depuis plusieurs années : on ne révèle pas le genre ou l'orientation sexuelle de quelqu'un à sa place ou sans son consentement. Fallait-il préciser mort ou vivant ? Apparemment oui. Car ce n'est pas un hasard si Bernard Violet publie ses soi-disant révélations maintenant.
En 1998, l'auteur avait publié une première biographie de l'acteur intitulée Les Mystères Delon. Un livre dont Alain Delon avait alors tenté de faire interdire la publication. Sans succès. L’ouvrage était non seulement paru mais s'était aussi élevé au rang de best-seller. "Avec le recul, je pense même que si Alain Delon a voulu faire interdire ma biographie en 1998, c’était parce qu’il avait lu mon synopsis, qui évoquait ses relations, durant plusieurs années, avec Daniel Guérin, écrivain libertaire et militant homosexuel", confie Bernard Violet au Parisien. La preuve donc, de l'absence de consentement de l'acteur sur l'éventualité de parler de sa prétendue bisexualité.
Oui mais maintenant Delon est mort, et les morts ne font pas de procès. Rappelons que "le fait pour un-e journaliste de relayer un "outing" révélé par la presse ou tout autre média l’expose théoriquement à des poursuites pour violation de la vie privée au même titre que l’auteur de l’"outing" en question", indique l'Association des Journalistes LGBTI (AJL).
Chic d'en profiter pour révéler au monde une intimité que l'acteur préférait apparemment garder privée de son vivant. Chic aussi de la part des médias de céder aux sirènes des audiences au mépris de l'intégrité de cette personne, aussi homophobe, raciste et misogyne soit-elle. Pourtant, on aurait pu mettre en avant bien d'autres choses sur les révélations faites par Bernard Violet. Les amitiés d'Alain Delon avec des mafieux par exemple. Plus intéressantes et croustillantes que sa sexualité, non ?
"De ses jeunes années jusqu’à la quasi fin de sa vie, Alain Delon a toujours été fasciné par les truands, confie le biographe au Parisien. Je pense qu’il s’inspirait de leur fréquentation pour ses rôles au cinéma." Bernard Violet va même jusqu'à affirmer que l'acteur avait "noué des liens étroits, d’amitié et d’affaires, avec la fine fleur de la pègre française". "Il fut à plusieurs reprises interrogé pour certaines de ses affaires, mais s’en est toujours sorti", précise-t-il.
N'a-t-on pas mieux à faire que de noircir des pages pour baver sur la sexualité des célébrités ? On s'autorisera à penser que cette ritournelle puise dans les racines d'une société encore bien ancrée dans son homophobie. Vivement demain !