Des héros cultes, des images chocs, et un message évident. Saint Hoax, artiste originaire du Moyen-Orient et à l’identité ultra-secrète a le sens de la parodie militante. Depuis quelques mois, elle squatte le web et les réseaux sociaux grâce à des campagnes de sensibilisation mettant en scène des personnages estampillés Disney. Ainsi, quand elle ne dénonce pas le viol dans le cercle familial, c’est la violence conjugale ou la cruauté envers les animaux qui la poussent à prendre son pinceau. A chaque fois, l’illustratrice réussit son coup : en détournant les héros de notre enfance, elle dérange forcément.
En ce début d’année, la voici donc qui revient avec une toute nouvelle série d’illustrations : The Royal Misfits. Après la violence et les rapports forcés, c’est cette fois-ci l’anorexie qui est mise en lumière. On découvre ainsi les princesses Ariel, Jasmine, Blanche-Neige, mais aussi les princes Hercule et Éric, les corps complètement décharnés. En légende, un message clair : « Ne laissez pas l’anorexie vous manger tout cru ». Sur son site, Saint Hoax explique : « Des enfants âgés de même pas cinq ans sont diagnostiqués anorexiques. Cette nouvelle campagne traite de ce sujet et s’adresse directement aux enfants qui ont développé – ou sont en train de le faire – des troubles alimentaires ».
L’anorexie infantile, un fléau dont on parle peu
En s’adressant aux plus petits, l’illustratrice touche du doigt un vrai gros problème dont on parle peu : l’anorexie infantile. Si aucune étude n’a été réalisée en France – ce qui empêche de connaître le nombre d’enfants touchés – l’Angleterre s’est d’ores et déjà intéressée à ce fléau. Entre 2009 et 2011, une centaine d’enfants de moins de 11 ans ont ainsi été hospitalisés au Royaume-Uni pour anorexie sévère. Au Canada, en Australie et même chez nous les médecins auraient remarqué un rajeunissement des patients. En 2009, le docteur Marie-France Le Heuze du service psychopathologie de l’hôpital Robert Debré, confirmait cette hausse à l’Express :
« Cette maladie n'est pas un trouble nouveau. Elle existait déjà il y a 30 ans mais le nombre de cas par an étaient rares. Ce n'est que depuis 10, voire 15 ans, que la fréquence de l'anorexie chez des enfants prépubères a pris de l'ampleur, ce qui explique notamment pourquoi on n'en parle pas encore assez ».
Bien évidemment, Saint Hoax n’est pas la seule artiste à s’être réapproprié l’univers Disney. Le détournement de ces personnages cultes est devenu un vrai genre en soi. Et si certaines parodies cherchent simplement à nous faire rire, d’autres prennent le parti de dénoncer inégalités et injustices en insufflant un peu de poudre de fée dans leurs messages. L’artiste Alexsandro Palombo est un habitué de la chose. Il a ainsi mis les princesses Disney en situation de handicap, avec béquilles, fauteuils roulants et prothèses pour dénoncer le peu de visibilités des handicapés. Plus récemment, il dessinait Cendrillon, Ariel, Jasmine, ou encore Marge Simpson après une mastectomie. Son but ici ? « Montrer aux femmes qu’elles sont toutes belles, même après ça », écrit-il sur son site officiel.
On peut également évoquer Jeff Hong, un New Yorkais qui a choisi de transposer les personnages Disney dans notre monde où malheureusement la magie n’existe pas. Au programme : Alice accro à la drogue, Ariel empêtrée dans le pétrole, ou encore Ratatouille en expérience de laboratoire au destin tout tracé. Souvent malmenés avec plus ou moins de violence, les héros de notre enfance savent aussi nous faire réagir avec humour. Lors des dernières élections municipales, le street artist français Combo avait ainsi placardé dans les rues des affiches des princesses se présentant sur les listes électorales
.« C’est la première fois que je m’attaque à une élection politique. Mais je trouvais les candidats tellement pauvres dans leurs propos, leurs attitudes, leurs disputes… Il fallait que je réagisse en mêlant sept personnages féminins de Disney », expliquait-il alors.
Inspirés tant par la pop culture que par des sujets de société sensibles, les artistes ont donc trouvé le meilleur moyen pour nous sensibiliser, soit mêler nostalgie et messages coups de poing. Tout n’est pas bien qui finit bien, c’est le cas de le dire.