Le fil des saisons suscite les émotions les plus contradictoires. Certains éprouvent un douloureux "spleen de l'été" (la summertime sadness chantée par Lana Del Rey), d'autres vénèrent l'hiver - puisqu'il rime forcément avec "films de Noël". Mais chacun·e avouera - sauf exceptions qui confirment la règle - sa fascination pour l'automne. Normal. L'automne, le romantisme des couleurs, la douceur de l'air, les feuilles qui tombent, il n'en faut pas plus pour clamer un poème ou écouter du Taylor Swift les yeux humides.
Mais comment expliquer cette fleurette automnale ? On pourrait avancer que notre passion est pop avant tout. Qui dit automne dit Un automne à New York (la rom'com poignante avec Richard Gere et Winona Ryder), Quand Harry rencontre Sally (New York, toujours), Coup de foudre à Rhode Island... On ne compte plus le nombre de romances qui savent nous vendre la beauté de cette saison revigorante à la qualité esthétique certaine.
Inutile de ressortir la filmothèque pour cerner cette fascination cependant. Les voix expertes s'accordent à dire que notre attachement à l'automne a également tout du phénomène psychologique, qu'elle répond à des mécanismes mentaux, des émotions et des idées bien particulières.
On vous explique pourquoi.
Premier élément de réponse : l'automne est très populaire puisque dans notre tête, elle est synonyme de bien-être, de bouffée d'air frais, de repos bienvenu après des nuits trop caniculaires. Comme une renaissance en pleine rentrée scolaire finalement. Selon la psychologue Amy Jane Griffiths, le temps rafraîchi nous incite plus ou moins consciemment à privilégier les interactions chaleureuses, celles qui fédèrent, ou bien les petits plaisirs en solo. En partie car les gens associent la saison aux vacances, aux goûters chocolatés et aux fêtes. Pour l'experte encore, cette saison serait "une source d'expériences joyeuses avec les amis ou la famille", rien de moins.
Du pur cocooning en somme. On associe ce "folklore automnal" à bien des plaisirs, comme s'emmitoufler dans un pull douillet ou déguster une tarte à la citrouille/aux pommes (selon les sensibilités). Une ribambelle de kiffes quasi régressifs donc, partagés par bien des anonymes. Pour désigner ce phénomène comportemental, des chercheurs américains (qui l'ont également constaté) ont trouvé une expression : "la chaleur psychologique". Quand la température extérieure baisse, nous avons davantage tendance à privilégier les micro-événements et pratiques réconfortantes. C'est cohérent.
Autre phénomène à l'origine de ce consensus ? La nostalgie. Les mouvements des feuilles en disent long sur l'intensité mélancolique de cette saison, celle du temps qui défile ou décline, tandis que l'année, peu à peu, s'achève, en attendant les prémices de l'hiver. Amy Jane Griffiths met en relation l'automne et les "signes de changement", ceux qui envahissent les rues mais aussi l'esprit des femmes et hommes qui y circulent. L'automne attiserait le spleen tout en nous incitant à envisager l'avenir - oui, bien avant les résolutions qui encombrent le mois de janvier.
Mais attention à ce que la nostalgie ne se transforme pas en déprime. Dans ce cas-là, vous pourriez bien faire l'objet du fameux trouble affectif saisonnier (ou TAS pour les intimes), cette "dépression de la saison" qui survient notamment durant l'automne ou l'hiver - entre autres car la lumière du soleil s'affaiblit, ce qui peut carrément affecter votre moral. Un constat scientifique qui n'empêche pas l'auteur écologiste Michael McCarthy de romantiser la saison. Du côté de The Independent, l'écrivain délivre ainsi une généreuse ode à "l'ambiance" automnale.
C'est-à-dire ? "Cette sorte de tristesse qui n'est pas entièrement indésirable, cette sobriété et ce ralentissement de l'esprit qui laisse davantage place à la réflexion". L'automne serait donc idéale pour l'introspection, de par sa "splendeur" qui serait avant tout "le signe d'un monde qui se meurt, sans échappatoire, comme le dernier éclat de beauté de l'année".
Paradoxalement, c'est ce vague à l'âme très folk-song qui participe à l'attrait populaire de cette phase de l'année. De là à se prendre pour Charles Baudelaire dans les allées du Père Lachaise, il n'y a qu'un pas.
Cliché, vous avez dit cliché ? A ce titre, pas besoin d'aller chercher bien loin pour saisir ce qui ravit l'auteur, puisque ce dernier déploie une liste tout aussi évocatrice. A savoir ? Boire du vin, contempler les arbres, ramasser les champignons, s'accorder des balades le week-end dans les bois, observer cygnes, oies sauvages et autres volatiles selon votre localisation, déguster des citrouilles, aubergines et carottes...
Là encore, le mythique folklore automnal bat son plein et invoque tout un imaginaire. Célébration de la Mère Nature, des plaisirs gastronomiques et de l'air qui revigore... Un éloge de l'insouciance. Oui oui, cette insouciance qui vient de l'enfance.
Ultime théorie : et si l'automne était tout simplement la saison la plus cool ? C'est là l'idée de Metro UK, qui aligne de sacrés arguments. Qui dit automne dit Halloween (les citrouilles, encore elles), soupes chaudes, photos Insta stylées à foison (la faute à toutes ces feuilles brunes, rouges, orangées), douces écharpes que l'on ressort des tiroirs, plaids que l'on étale sur ses jambes devant un bon film. Une certaine philosophe de vie.
Et puis rappelons que l'automne serait également, selon une étude, la vraie saison des amours.
Reste désormais à savoir pourquoi l'hiver nous fascine tout autant.