Le bébé n’a pas deux jours et même pas de prénom mais depuis sa présentation son visage est déjà scruté par les photographes et caméras du monde entier. Alors que la monarchie n’a plus grand-chose à voir avec les affaires de l’État, l’engouement des Britanniques autour de cette naissance tient davantage de la fascination qu’on peut ressentir vis-à-vis des people, ou des dieux... Dans un éditorial paru mardi 23 juillet dans le Guardian, Simon Jenkins analyse la situation d’une monarchie qui « ne représente pas l’État », mais qui l’incarne néanmoins : « Un État à visage humain. » « La lignée royale est donc garante de l’unité nationale. Béni par cet héritage, l’enfant n’a d’autre choix que de se plier littéralement au jeu du culte de l’individu, comme Krishnamurti ou le dalaï-lama. »
Les Middleton, famille d’entrepreneurs qui a fait fortune dans les articles de fête, ont beaucoup plus en commun avec la famille Windsor qu’il n’y paraît. Quel est le rôle politique de cette monarchie constitutionnelle sinon celui de fournir du bonheur et du rêve à un public conquis ? « Un bonheur parrainé par l’État », selon S. Jenkins, alimenté dernièrement par des détails intimes sur les douleurs de l’accouchement, les contractions ou la péridurale, une exposition qui installe une « frénésie d’auto-identification » parmi les sujets féminins en particulier... Tel est donc le gagne-pain de la famille royale, entreprise familiale « qui met ses jeunes membres en jeu, en espérant que les exposer au regard du public pourra aider à moderniser, élever et sécuriser la position de la monarchie dans le cœur de la nation », écrit S. Jenkins.
Avant que le bébé ne sorte du ventre de sa mère, des milliers de personnes se demandaient pourquoi cet enfant osait naître après le terme… Et désormais sa vie sera réglée et minutée pour répondre au mieux à cette attente interminable de la foule. Le prince de Cambridge se fera un jour raconter l’histoire de sa grand-mère, la princesse Diana, le harcèlement vécu et la fin tragique. « Les bonnes fées qui se rassemblent autour du berceau du prince cette semaine sont scrutées par d’autres fées maléfiques », prévient S. Jenkins. « Le troisième héritier du trône ne peut espérer jouir d’un soupçon d’intimité. Il va passer sa vie avec un drone médiatique au-dessus de la tête ».
Seul rempart possible, ses parents, William en tête, qui semblent prêts à tout pour avoir l’air normaux et garder une partie de leur bonheur pour eux. Beaucoup de commentateurs ont ainsi interprété le laps de temps pris par William et Kate, entre 16h30 et 20h30, avant de sortir de l’hôpital. « Je suis certain que William et Kate voulaient juste garder le bébé pour eux seuls le plus longtemps possible, sachant bien que le destin de cet enfant était de devenir la propriété du public », analyse un ancien de la cour royale, qui était au service du prince et de la princesse de Galles. Il n’empêche, le prince de Cambridge est bel et bien entré en fonction ce mardi, sous les flashs et les caméras. Good Job.