Le sans alcool a la cote. Ces cinq dernières années, la vente de bières sans alcool a augmenté de 3,9%, rapporte The Wall Street Journal. Une tendance confirmée par les chiffres du SPF Finances : alors qu'en 2013, 8,64 millions de litres de bières, vins et autres boissons sans alcool étaient mises sur le marché, ce chiffre explose cinq ans plus tard et passe à 23,93 millions de litres en 2018.
La raison de ce boom ? Le désintérêt croissant de la génération Z (personnes nées vers 1997) pour les boissons alcoolisées. Selon un rapport 2018 de Berenberg Research, ces jeunes boiraient en moyenne 20% de moins que les millennials le faisaient au même âge qui, eux-même, buvaient déjà bien moins que leurs propres parents. Cela ne signifie par pour autant qu'ils renoncent aux cocktails, à la bière et au vin. Juste qu'ils alternent entre version alcoolisée et version sans alcool ou optent tout simplement pour le sans alcool. Une sorte de "demi sobriété" en forte croissance chez les plus jeunes.
Plusieurs raisons viennent expliquer cette tendance, et notamment une inquiétude de la génération Z des conséquences de l'alcool sur leur santé. Mais aussi une volonté de garder le contrôle sur ses actions, par inquiétude de voir des photos et vidéos de sa soirée finir - et rester - sur les réseaux sociaux.
"Le contrôle est devenu le mot-clé des jeunes buveurs d'aujourd'hui", déclarait déjà en 2017 Jonny Forsyth, analyste mondial des aliments et boissons chez Mintel. Il ajoute : "Contrairement aux générations précédentes, leurs sorties nocturnes sont immortalisées par des photos, des vidéos et des publications sur les réseaux sociaux où elles resteront probablement pour le reste de leur vie. La surconsommation d'alcool est donc quelque chose que beaucoup cherchent à éviter."
Un avis partagé par Pamela Rutledge, directrice du Media Psychology Research Center en Californie, qui explique à Vice's Munchies : "Avant les réseaux sociaux, un comportement embarrassant, bien que probablement raconté à l'oral, n'était pas immortalisé visuellement. Par conséquent, la personne embarrassée n'avait que peu de risques de devoir faire face à son comportement de manière significative."
Pour l'experte, "les réseaux sociaux augmentent la responsabilité de ses actions. Les gens aiment contrôler leur image publique sur les réseaux sociaux car elle est permanente plutôt qu'éphémère. Les moments embarrassants ne sont plus des moments, mais restent sur le long terme pour que tous puissent les voir."
Cette volonté de garder le contrôle pousserait donc la génération Z à limiter sa consommation d'alcool. Une tendance que les géants des boissons alcoolisées ont bien comprise. Ils veillent à s'adapter en proposant désormais des variantes sobres de leurs produits plus travaillées, plus originales et plus attractives que par le passé. On ne se contente plus de retirer l'alcool de nos boissons alcoolisées : on les réinvente, on propose de nouveaux arômes, de nouvelles textures. Le tout garanti sans alcool.
Ces boissons - connues aux États-Unis sous le nom de zero-proof drinks, boissons zéro-preuve en français - feront d'ailleurs partie du top 10 des tendances alimentaires de 2020 selon le classement de Whole Foods Market. "Beaucoup de ces boissons tentent de recréer des saveurs de cocktails classiques en utilisant des méthodes de distillation généralement réservées à l'alcool, créant une alternative à l'alcool destinée à être mélangée plutôt qu'à être bue pure. On pense par exemple à l'alt-gin pour le gin et les toniques et faux spiritueux à base de plantes pour un faux Martini", poursuit Jonny Forsyth.
Ben Branson, fondateur de la société Seedlip, pionnière de la boisson distillée sans alcool, explique quant à lui NPR : "Les gens n'aiment pas boire un simple soda quand ils sortent. Je voulais créer quelque chose sans compromis, sans essayer de copier autre chose." Un choix de boissons toujours plus large qui permet désormais aux personnes qui font le choix de la sobriété ou de la modération d'avoir, eux aussi, droit à une carte sans alcool digne de ce nom. Il était temps.