En voulant s'engager dans la lutte contre les violences faites aux femmes, Camaïeu ne s'attendait certainement pas à être accusée de "purple washing" ou "féminism washing". En cause, une campagne de la marque visant à sensibiliser ses clients aux violences conjugales en détournant quelques fiches produits. Sur celles-ci, des femmes apparaissent avec des ecchymoses sur le visage.
Conçue en collaboration avec l'association SOLFA et l'agence Buzzman, la campagne renvoie au numéro dédié aux victimes de violences conjugales, le 3919, avec le message suivant : "1 femme sur 10 est victime de violences".
Premier problème soulevé par les femmes interpellant l'enseigne de vêtements : en disséminant ces photos (qui peuvent choquer, qui plus est), l'entreprise interpelle les femmes plutôt que leurs agresseurs.
Par ailleurs, la campagne est accusée de représenter les violences conjugales de manière caricaturale, en maquillant de faux bleus, alors que de nombreuses violences sont invisibles.
Enfin, la campagne est accusée de ne pas prendre en considération les potentielles victimes de violences conjugales qui pourraient très mal vivre la vue de ces images alors qu'elles viennent simplement faire leur shopping sur un site. C'est ce que souligne l'association Les Lionnes : "vous provoquez chez les anciennes victimes 'des flashs' qui leur feront revivre leur enfer à la vue de ces photos. Or personne ne souhaite subir cela de la part de Camaïeu. C'est violent et inapproprié", explique-t-elle sur Twitter.
Plus globalement, Camaïeu est accusée de "purplewashing", ou encore de feminism washing. La journaliste Mathilde Meslin écrit ainsi : "Camaïeu poursuit son opération de 'purple washing' autour des violences faites aux femmes en mettant en scène des mannequins maquillées de façon grossière. Pour rappel les violences conjugales ne sont pas forcément de gros coquards et surtout pas un outil de com."
À l'image du "green washing" pour l'écologie, qui consiste à se donner une image d'entreprise vertueuse pour l'environnement, le "purple washing" est une manière de paraître soucieuse de la défense des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, sans que cela soit suivi d'actions concrètes. Ou plus simplement : quand les entreprises récupèrent la cause des droits des femmes, que les valeurs affichées publiquement ne sont pas celles véhiculées au sein de l'entreprise.
Dans cet article, Le Monde donne l'exemple de la SNCF, qui organisait chaque année un "Girl's day", une journée de la mixité, alors même qu'en dix ans, le nombre de femmes dans l'entreprise n'était passé que de 16 à 20%.
Plus récemment, la journalise Léa Lejeune avait enquêté sur ces entreprises à travers un livre intitulé : Féminisme Washing - Quand les entreprises récupèrent la cause des femmes. "C'est une expression que j'ai inventée en la dérivant de 'green washing'. Cela correspond à l'ensemble des pratiques de communication et de marketing utilisées par les entreprises pour faire croire qu'elles sont féministes, qu'elles respectent l'égalité hommes-femmes, alors qu'en interne, elles n'ont pas fait le travail pour changer leur production ou mieux traiter les femmes salariées", explique-t-elle à Europe1. Parmi les marques épinglées par la journaliste, Dior, McDonald's, H&M ou encore Amazon.
En ce qui concerne l'enseigne de fast-food, elle donne l'exemple du "M" de McDonald's détourné en W" pour "Women" à l'occasion du 8 mars 2018, journée internationale des droits des femmes. "Une manière de dire que McDonald's est féministe et s'occupe vraiment des femmes. Sauf que McDonald's a été épinglé plusieurs fois pour des discriminations sexistes ou du harcèlement sexuel, et moi je révèle dans mon enquête des écarts de salaire importants dans l'entreprise", explique la journaliste.