Camélia Jordana, le poing levé pour Adama. La chanteuse était présente lors de la mobilisation historique organisée le 2 juin dernier contre les violences policières et à la mémoire d'Adama Traoré. Parmi les plus de 20 000 personnes rassemblées sur la capitale, on pouvait apercevoir des personnalités engagées comme Assa Traoré bien sûr, figure de proue du mouvement Justice pour Adama, mais aussi les actrices Assaïa Maïga et Adèle Haenel et l'humoriste Fary. Un élan auquel la chanteuse et comédienne est venue apporter ses mots. Et plus précisément, son chant.
Micro à la main, Camélia Jordana s'est effectivement lancée dans un hymne gospel aux paroles des plus éloquentes (ici traduites en français) : "Toute la journée nous allons chanter et pleurer. Nous allons marcher en ville. L'âme de Freddie Fray, George Floyd, Adama, demeure. La révolution est venue".
Un chant qui s'est achevé par les paroles suivantes : "Il est temps de prendre les armes". Un écho au slogan des Black Panthers, le fameux mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine fondé dans les années soixante par Huey P. Newton, Bobby Seale et Elbert Howard.
On s'en doute, cette musique n'a pas plu à toutes les oreilles...
Et notamment à celles qui se situent à l'extrême droite. "Camelia Jordana appelle 'à prendre les armes'. On sait contre qui : contre le peuple historique de notre pays", a ainsi fustigé Jean Messiha, membre du bureau du Rassemblement National. Le politicien qualifie même l'artiste de "dangereuse harpie" et de "fanatique" coupable "[d'attiser] la haine anti-flics et [d'exciter] la racaille". Tout un poème.
Les réactions viscérales engendrées par l'implication de Camélia Jordana démontrent une nouvelle fois la dimension tabou des violences policières et des discriminations raciales en France. Après avoir dénoncé ces réalités sur le plateau d'On est pas couché, l'actrice et chanteuse avait même suscité la véhémence du ministre de l'Intérieur : "Non madame, 'les hommes et les femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue' ne se font pas 'massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau'. Ces propos mensongers et honteux alimentent la haine et la violence. Ils appellent une condamnation sans réserve", avait alors déclaré Christophe Castaner.
Or, pour bien des voix, ce n'est pas du côté de Camélia Jordana, de ses déclarations ou de ses chants, que s'immiscent "la haine et la violence". La journaliste et militante Rokhaya Diallo défend notamment ses prises de position. "Camélia Jordana a le courage de porter un discours habituellement circonscrit aux marges. Quand une artiste populaire invite dans un débat mainstream le nom d'Assa Traoré, cela subvertit la règle qui consiste à placer ces sujets à distance", écrit-elle. De même, pour la journaliste Titiou Lecoq, ces nombreuses charges émises à l'encontre de Camélia Jordana incarnent un phénomène : "une inversion de la culpabilité".
Une inversion qui met à mal bien des voix révoltées (et révolutionnaires), antiracistes et féministes.