Alors que depuis une semaine, des milliers d'Iraniennes défient les autorités religieuses du pays en postant sur les réseaux sociaux des clichés où elles ont ôté leur voile, c'est sur la Croisette que le vent de scandale souffle ? Membre du jury du 67e festival de Cannes, l'actrice iranienne Leila Hatami s'est attiré les foudres du vice-ministre de la Culture Hossein Noushabadi pour avoir osé, lors de la cérémonie d'ouverture, fait la bise à Gilles Jacob, le président du festival.
Jugeant son attitude « inappropriée » car contrevenant aux lois iraniennes en vigueur, Hossein Noushabadi a déclaré, dimanche 18 mai, sur la chaîne de télévision Irib que « celles qui participent à des évènements internationaux devraient prendre en compte la crédibilité et la chasteté des Iraniens, afin de ne pas montrer une mauvaise image des Iraniennes. » « Qu'elle soit artiste ou non, la femme iranienne est le symbole de la chasteté et de l'innocence. Une telle attitude est donc inappropriée car non-conforme à nos principes religieux », a-t-il poursuivi. De nombreux médias iraniens ont par ailleurs retransmis une version floutée de la bise échangée par Leila Hatami et Gilles Jacob afin de rendre compte de la polémique.
Vivement attaquée par les autorités iraniennes, Leila Hatami a reçu le soutien de nombreux internautes, ainsi que de Gilles Jacob. Sur son compte Twitter, le président du Festival de Cannes a coupé court à la controverse en expliquant que c'est lui qui avait pris l'initiative de faire la bise à l'actrice iranienne. « À ce moment, elle représentait pour moi tout le cinéma iranien, ensuite elle est redevenue elle-même », a-t-il expliqué, avant d'ajouter : « Cette polémique basée sur une coutume habituelle en Occident n'a pas lieu d'être. »
C moi qui ai fait la bise à Mme Hatami. À ce moment, elle représentait pour moi tout le cinéma iranien, ensuite elle est redevenue elle-même
— gilles jacob (@jajacobbi) 19 Mai 2014
Cette polémique basée sur une coutume habituelle en occident n'a donc pas lieu d'être.
— gilles jacob (@jajacobbi) 19 Mai 2014
La polémique suscitée par la simple bise échangée par Leila Hatami et Gilles Jacob est en tout cas symptomatique de la condition féminine en Iran. Depuis la révolution islamique de 1979, les femmes ont en effet l'interdiction d'avoir le moindre contact physique avec un homme étranger à sa famille. Obligées d'observer scrupuleusement les règles vestimentaires dictées par les autorités religieuses du pays, les Iraniennes jugées « mal voilées » en public sont soumises à une amende de la part d'une « police de la moralité » mise en place sous l'ère du très conservateur Mahmoud Ahmadinejad.
Si l'arrivée au pouvoir en juin 2013 d'Hassan Rohani avait suscité les espoirs des Iraniennes, le pouvoir de ce dernier est en réalité bien moindre que celui de l'ayatollah Khamenei. Interrogée en septembre dernier par Courrier International, la militante iranienne Sussan Tahmasabi expliquait : « En réalité, [Hassan Rohani] ne peut pas faire grand-chose dans ce domaine. C'est très idéologique. Mais je pense qu'il va tout de même atténuer certaines restrictions et ne plus faire arrêter les femmes pour tenue provocante. »