Les restrictions de déplacement ont tendance à créer des tensions au sein des couples. En cause, la promiscuité inhabituelle et la frustration que la situation actuelle provoque. Et puis aussi un chamboulement au sein de la vie du foyer. Car maintenant que tout le monde est à la maison, tout le temps dans beaucoup de cas, il faut mettre la main à la pâte de manière plus égalitaire. Ou du moins initier un changement en ce sens. Et cette nouvelle répartition coince.
Selon une étude Institut français d'opinion publique (Ifop) intitulée "Ma casa va craquer", "les tâches ménagères sont une source de conflit plus fréquente en milieu confiné qu'en temps normal". Ainsi, près d'un·e Français·e confiné·e sur deux (49%) témoigne de disputes conjugales à ce sujet, soit une proportion sensiblement plus forte que ce que l'institut de sondage avait pu mesurer l'an dernier, à la même période (44%).
L'Ifop explique ces querelles par l'absence d'échappatoire des hommes face aux corvées. Car ce sont bien les femmes, pour 73 % d'entre elles en France, qui estiment se coltiner la majorité des tâches domestiques de la maison. "Le confinement ôte à nombre d'hommes la possibilité d'échapper aux charges domestiques en se prévalant d'un manque de disponibilité lié à l'exercice d'un travail rémunéré ou de déplacements extérieurs pour des activités socialement plus légitimes (ex : achats de produit de bricolage, entretien de la voiture, transport des enfants...)", analyse le rapport.
Et si certain·e·s brandissent l'inattention ou la fainéantise comme raison de ce déséquilibre nocif, excusant par la même occasion ceux qui en profitent, il n'en est rien. François Kraus, directeur du pôle "Genre, sexualités et santé sexuelle" de l'Ifop, accusait en novembre 2019 "le produit historique d'une domination masculine" qui n'en finit pas et "l'acceptation par les femmes de la division traditionnelle des tâches ménagères". Un sexisme intériorisé et inconsciemment accepté. "Véritable frein à l'émancipation féminine, l'inégale répartition des travaux entretient non seulement des stéréotypes de genre qui se reproduisent de génération en génération mais aussi le maintien des femmes les plus modestes dans une précarité économique", déplorait le spécialiste.
Seulement, avec le confinement, la coupe est pleine. La situation augmente considérablement la surcharge globale de travail domestique. Il y a plus de monde à la maison donc plus de choses à gérer. Les repas en prime. Et aussi l'école aux enfants, dont les femmes s'occupent encore une fois majoritairement, contraignant "les pères à effectuer les tâches qu'elles prenaient en charge", et qui représente le principal sujet de discorde des couples interrogés, à 37 % des suffrages.
"En assignant au foyer les hommes autant que les femmes, cela crée des conditions favorables à une remise en cause d'un 'privilège de genre' - l'inégale répartition du travail ménager - qui reposait jusque-là sur une relégation des seules 'femmes' à la sphère domestique", poursuit l'Ifop. Il s'agirait donc d'une occasion pour tacler les inégalités, et que les uns se mettent à la place des autres. Mais si une répartition plus juste peut finir par apaiser les tensions, on ne garantit pas que les discussions qui amènent au rééquilibrage se déroulent sans dispute.