Elle est la créatrice des géniaux Moomins, ces étranges petites créatures au museau tout rond qui accompagnent des générations d'enfants à travers des livres illustrés, des comic strips et des albums. Mais le chemin fut long pour la peintre finlandaise Tove Jansson avant d'assumer ce choix artistique iconoclaste, prise en étau entre un père sculpteur élitiste et un syndrome de l'impostrice latent.
C'est dans l'effervescence de l'après-guerre que la réalisatrice Zaida Bergroth débute l'exploration de la vie de l'artiste (incarnée par l'incandescente Alma Pöysti), qui s'enivre de fêtes bohèmes et de relations adultérines. La jeune femme aspire à la liberté et au plaisir, aussi bien dans son art que dans sa vie personnelle. Et s'amuse déjà à envoyer valser les conventions. C'est ainsi qu'elle va se laisser séduire par l'envoûtante metteuse en scène Vivica Bandler (Krista Kosonen), la première à l'encourager à développer l'univers singulier des Moomins.
"L'impression que j'avais de Tove était celle d'une femme aux cheveux gris, sage, anormalement calme. Calme et en quelque sorte intouchable", confie la cinéaste. "Plus j'ai appris à la connaître à travers mes recherches pour ce film, plus j'ai été surprise."
Car plus qu'un simple coup de projecteur sur sa création artistique, ce sont les tourments amoureux et infiniment personnels de Tove Jansson que ce joli biopic, lumineux comme un tableau de Renoir, nous fait découvrir. Et notamment cette passion lesbienne aussi soudaine que dévorante qui va la consumer.
Le film nous plonge dans cette relation tumultueuse, faite de rendez-vous manqués, de fuites, de baisers brûlants et de larmes. Tove revient sur la double émancipation de la jeune femme qui va assumer son identité artistique en empruntant une autre voie que celle que lui dictait l'encombrante figure paternelle. Mais aussi sur son courage pour se défaire de l'emprise toxique de sa maîtresse, cet "irrésistible dragon" qui l'engloutit. Ce n'est qu'après cette libération qu'elle rencontrera celle qui deviendra la femme de la vie, la graphiste Tuulikki Pietilä.
A travers cette trajectoire qui s'échelonne entre la trentaine et le début de la quarantaine de Tove Jansson, la réalisatrice propose un regard stimulant et romanesque sur l'artiste complexe qui se cache derrière l'une des créations les plus populaires de la littérature pour enfants, disparue en 2001. Mais aussi une représentation toujours bienvenue des amours queers, encore trop souvent invisibilisées à l'écran.
Tove
Sortie le 1er mars
Un film de Zaida Bergroth
Avec Alma Pöysti, Krista Kosonen