Fondateur des enseignes E. Leclerc, Edouard Leclerc a succombé lundi 17 septembre à un arrêt cardio-respiratoire à l’âge de 85 ans dans sa propriété familiale de Saint-Divy. Pionnier de la grande distribution, il laisse derrière lui 686 magasins dont seulement 2 lui appartenant directement : un à Brest et l’autre à Landerneau dans sa ville natale, sa ville de toujours, qu’il déclarait ne pas vouloir quitter. Fonctionnant avec un maillage serré de franchises, le groupe E. Leclerc est actuellement la deuxième enseigne de grande distribution derrière le géant Carrefour, avec un chiffre d’affaires avoisinant les 40 milliards d’euros en 2010.
Court-circuiter le système des fournisseurs
Sixième d’une fratrie de 15 enfants, Edouard Leclerc se destine d’abord à une carrière de séminariste avant de changer de voie après la guerre. Son tempérament explosif n’est pas vraiment en adéquation avec les préceptes de la religion. En 1949, il crée une petite épicerie à Landerneau avec son épouse Hélène. Il y vend des produits de consommation courante, en premier des biscuits, puis de l’huile et du savon à des prix défiant toute concurrence. Il sillonne les routes de la région à bord de sa camionnette pour récupérer les produits chez des locaux et ainsi mettre à mal le système de fournisseurs : pas d’intermédiaire, pas de marge donc des prix très attractifs pour le consommateur.
L’ascension chaotique
La recette a du succès et plusieurs entrepreneurs s’alignent sur le modèle d’Edouard Leclerc ; il leur permet d’utiliser sa marque gratuitement s’ils adhèrent à son envie de vaincre le corporatisme et de faciliter la distribution bon marché à grande échelle. A partir de ces premières alliances, Edouard Leclerc est au centre des contestations des commerçants de proximité et particulièrement de Gérard Nicou et Pierre Poujade qui l’accusent de « tuer le petit commerce ». Contre les marques qui refusent de l’approvisionner, il gagne également des procès ce qui lui permet de structurer son réseau de franchisés. Il doit aussi composer avec les politiques qui tentent de se mettre en travers de son chemin. Si en 1969, des distributeurs estampillés E. Leclerc quittent le navire pour créer Ex, futur Intermarché/Les Mousquetaires, Edouard Leclerc continue de révolutionner le monde de la grande distribution.
L’essence à prix distributeur
Pour convaincre les pouvoirs publics de l’intérêt de libérer des secteurs protégés, Edouard Leclerc se lance dans les années 1970 dans la distribution de carburant. Après de nombreux procès, il parvient à imposer l’essence à prix distributeur alors que le carburant est un poste de plus en plus onéreux dans le budget des ménages. Les économies réalisées sont non négligeables puisque si Leclerc partage les mêmes dépôts que les compagnies pétrolières, il ajoute ses propres additifs et effectue lui-même ses livraisons. Le prix à la pompe s’en ressent automatiquement.
Libéralisation de tous les secteurs de consommation
Bijoux, voyages, culture, rien n’échappe au « petit épicier de Landerneau ». Il applique toujours ses méthodes personnelles pour vendre à des prix les plus bas possibles : imposer de grandes campagnes de publicité, évincer les intermédiaires, réduire au maximum les frais généraux et rétribuer les employés en fonction des bénéfices. E. Leclerc est d’ailleurs le n°2 français des ventes de biens culturels, derrière la FNAC.
La saga d’un visionnaire
Toujours à la pointe des innovations dans le secteur de la grande distribution qu’il a lui-même impulsé, Edouard Leclerc est le premier à se lancer dans l’aventure du drive – les consommateurs commandent leurs courses sur Internet et viennent les retirer directement. Ce nouveau secteur contribue pour 23% de la croissance du chiffre d’affaires du groupe et pour 38% de la prise de parts de marché. Il possède pour l’instant 209 enseignes et en vise 300 d’ici la fin de l’année 2012.
Un combat inachevé : les médicaments
Même s’il s’était retiré de la présidence du groupe depuis 2003, Edouard Leclerc souhaitait libéraliser le secteur des médicaments en obtenant le droit de commercialiser les remèdes sans prescription et non remboursés dans ses parapharmacies. Or les enseignes E. Leclerc sont en procès avec trois groupements de pharmaciens qui dénoncent leurs campagnes de publicité révélant les différences de prix, du simple au triple, selon les pharmacies et selon les remboursements. Le fils, Michel-Edouard, qui a pris la succession de son père et conserve les valeurs « E. Leclerc », affirme que la libéralisation de la vente des médicaments est inéluctable puisqu’elle existe déjà à l’étranger comme en Italie ou en Grande-Bretagne. Le géant de la distribution pourrait d’ailleurs déposer un recours devant la Cour européenne s’il est débouté sur la scène nationale.
Laure Gamaury
Crédit photo : AFP/Archives
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