Société
5 très bonnes raisons de boycotter la Coupe du monde au Qatar
Publié le 20 octobre 2022 à 18:39
Par Maïlis Rey-Bethbeder | Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
Ce 20 novembre 2022 marquera le début de la Coupe du monde de football au Qatar. Un désastre écologique dont les racines baignent dans des soupçons de corruption, responsable de la mort de milliers de travailleurs, organisé dans un pays sexiste qui bafoue les droits LGBT. Rien que ça.
5 très bonnes raisons de boycotter la Coupe du monde au Qatar
La suite après la publicité

La Coupe du Monde de football au Qatar, qui débutera le 20 novembre 2022, fait déjà parler d'elle depuis longtemps. Rarement en bien.

Dans ce pays où les droits humains sont bafoués, jusqu'à 350 000 supporters vont se ruer quotidiennement dans les stades pour assister aux matchs de football. Pour la première fois pourtant, chacun·e se demande s'il allumera sa télévision pour suivre l'événement. Au-delà d'un intérêt pour le football, il s'agit désormais bel et bien d'un choix militant.

Si certain·e·s ont déjà pris leur décision dans un sens ou dans l'autre, mieux vaut avoir tous les éléments pour choisir en son âme et conscience. Chez Terrafemina, nous avons déjà tranché. Voici pourquoi vous ne devriez pas allumer votre télé durant la compétition.

Une génèse bancale

L'attribution de l'organisation de la Coupe du monde au Qatar (un pays désertique qui n'était pas prêt à accueillir un tel événement) remonte à 2010. Or, cette décision délirante a été prise dans un contexte où planent les soupçons de corruption.

La France, par la voix de Michel Platini, alors président de l'Union des associations européennes de football, s'est à l'époque prononcée en faveur de cette attribution. Pourquoi avoir accepté ? Des soupçons de corruption planent sur les raisons qui ont poussé le pays à valider la tenue de la Coupe du monde au Qatar. Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes dans pas moins de trois pays.

Selon une enquête sur le "Qatargate" menée par France Football en 2013, une réunion secrète se serait tenue à l'Elysée en 2010, organisée une dizaine de jours avant le vote de la Fédération internationale de football association (FIFA), dont le comité exécutif est chargé de l'attribution de l'organisation de la Coupe du Monde. Elle aurait réuni entre autres Nicolas Sarkozy, alors président de la République, Tamim ben Hamad Al Thani, prince du Qatar, Michel Platini, et Sébastien Bazin alors propriétaire du Paris Saint-Germain.

Selon France Football, "au cours de cette réunion, il a tour à tour été question du rachat du PSG par les Qataris (effectif en juin 2011), d'une montée de leur actionnariat au sein du groupe Lagardère, de la création d'une chaîne de sport (la future BeIn Sports) pour concurrencer Canal+, que Nicolas Sarkozy voulait fragiliser -, le tout en échange d'une promesse : que Platini ne donne pas sa voix aux Etats-unis comme il l'avait envisagé, mais au Qatar".

Dans une interview accordée à l'hebdomadaire allemand Die Zeit, Sepp Blatter président du comité d'éthique sur les conditions d'attribution, déclare que "des chefs de gouvernement européens ont conseillé à leurs membres qui pouvaient voter de se prononcer pour le Qatar, parce qu'ils étaient liés à ce pays par des intérêts économiques importants".

La corruption concernerait également des pays africains : Phaedra Almajdid, alors attachée de presse du comité, confie que trois membres africains du comité exécutif de la FIFA auraient reçu 1,5 million de dollars chacun, en échange de leurs votes pour la candidature du Qatar, lors du congrès de la Confédération africaine de football, en

Environ 6500 personnes sont mortes sur les chantiers qataris © Abaca
La Coupe du monde la plus meurtrière

Le Qatar n'est pas connu pour être un exemple en matière de respect des droits humains. Lorsqu'il est finalement désigné par la FIFA en 2010 comme pays hôte, ce richissime émirat du Golfe n'est absolument pas prêt à accueillir un événement de cette ampleur. Il manque d'infrastructures. La solution ? Embaucher des travailleurs immigrés des pays pauvres voisins, qui doivent d'abord payer des frais de recrutement à des agences abusives pour travailler sur le sol qatari.

Sous-payés, mal nourris (voire pas nourris du tout), ces ouvriers viennent du Bangladesh, du Népal, d'Inde, d'Iran... Chargés de construire pas moins de sept nouveaux stades de foot sont aussi victimes de maladies, déclarées pour certaines après avoir bu de l'eau de mauvaise qualité. Les travailleurs immigrés sont parqués dans de petites chambres, où il vivent parfois jusqu'à huit. Ils sont soumis à des cadences infernales, travaillant parfois de 4h du matin à 23h du soir, comme le rapporte l'un d'eux dans un documentaire réalisé par l'ONG Amnesty International.

Avant une réforme qatarie, en 2018, impossible pour ces travailleurs immigrés de quitter ce cauchemar. Ils ne pouvaient changer d'emploi, ni quitter le pays sans l'accord de leur employeur. Certains ne rendaient visite à leur famille qu'une fois par an.

La mort de plus de 6500 d'entre eux (selonune enquête réalisée par le journal britannique The Guardian) établit l'organisation de cette Coupe du monde comme la plus meurtrière de l'Histoire. Les corps des ouvriers auraient été renvoyés dans des cercueils dans leur pays d'origine, sans plus d'explications sur les raisons de sa mort.

Cette situation dramatique a par conséquent plongé des familles entières dans la misère et favorisé l'augmentation du nombre de déscolarisations et la hausse du travail des enfants, comme l'expliquent les journalistes Quentin Müller et Sebastian Castelier, partis enquêter dans les pays de départ de ces travailleurs immigrés dans leur ouvrage Les esclaves de l'homme-pétrole, paru le 12 octobre.

Ce manque de considération pour les droits humains était présent dès les prémices du projet. Ainsi Zaha Hadid, l'architecte chargée de concevoir le stade Al-Janoub (anciennement Al-Wakrah), interrogée en 2014 sur l'hécatombe d'ouvriers migrants constatée sur les chantiers de la compétition, s'était contentée de répondre que ce n'était pas son problème, mais celui du gouvernement qatari, rappelait l'autrice Mona Chollet dans son livre Chez soi, paru en 2015.

Le Qatar est un pays qui compte également énormément de domestiques issus des pays voisins (173 000 travailleurs·euses domestiques étranger·e·s en 2020, selon Amnesty International). De nombreuses femmes ont dénoncé des abus, des violences verbales, physiques et sexuelles de la part de leur employeur et témoignent de conditions de vie médiocres.

La Coupe du monde au Qatar, pays désertique et dépourvu d'infrastructures est une aberration écologique © Abaca
Un désastre environnemental

En 2010, impossible de dire que personne ne connaissait les effets négatifs des activités humaines sur l'environnement et l'existence de l'urgence climatique. A ce moment-là, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) avait déjà signé quatre rapports, en 1990, 1995, 2001 et 2007, plus pessimistes les uns que les autres.

Selon la Banque mondiale, le Qatar serait le pays qui émettrait le plus de CO2 au monde, avec 32,5 tonnes de CO2 émises par an et par habitant en 2019. Rien que pour cette Coupe du monde, 3,6 millions de tonnes de CO2 devraient être émises, d'après les prévisions de la FIFA. Un chiffre qui serait sous-évalué "de 5 fois, voire plus" selon Gilles Dufrasne de l'ONG belge Carbon Market Watch, interrogé par Radio Classique.

Par ailleurs, le Qatar est un pays désertique où les températures dépassent les 40°C degrés en été. Au moment de la Coupe du monde, les températures devraient avoisiner les 20°C. Ce qui n'a pas empêché le pays de climatiser ses huit stades de foots, dont sept sont sortis de terre en plein désert pour l'événement. Cerise sur le gâteau, sept des huit stades sont... à ciel ouvert. Sans parler de la consommation d'eau gigantesque, nécessaire pour entretenir les pelouses bien vertes des terrains de foot. Le Figaro précisait en 2016 que le précieux gazon a d'ailleurs été acheminé des Etats-Unis... en avion évidemment.

D'ailleurs, ce sont aussi des avions qui feront office de "navettes" lors de ce Mondial. Oui, vous avez bien lu. Le Qatar étant trop petit pour héberger tous les supporters, certains seront logés dans des pays frontaliers. Rassurez-vous, ils pourront accéder aux stades grâce à des avions, assurant des vols toutes les dix minutes...

Les droits de la communauté LGBT sont fortement réprimés au Qatar © Adobe Stock
Des droits humains bafoués

La politique du Qatar en ce qui concerne le droit des femmes et des personnes issues de la communauté LGBT est extrêmement discriminatoire. Ainsi, les médias abordant des thématiques LGBT sont censurés et les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont punies de sept ans de prison. Certaines personnes sont également arrêtées par les autorités sur la seule base de leurs activités en ligne.

"Les propres statuts de la FIFA, déjà en vigueur à l'époque, interdisent toute discrimination à l'encontre des personnes LGBT comme celles que le Qatar a inscrites dans sa législation nationale, et la FIFA n'a pas fait les vérifications nécessaires pour s'assurer que ses propres politiques soient respectées à travers le monde", rappelle l'ONG Human Rights Watch.

Le Qatar a assuré qu'il ne souhaitait pas faire de discrimination quant à l'accueil des spectateurs étrangers. Pourtant, les drapeaux LGBT des supporters pourraient être confisqués "pour leur protection", a déclaré en avril le général Abdulaziz Abdullah Al Ansari, responsable de haut rang du ministère qatari de l'Intérieur chargé de la sécurité lors du tournoi de football.

Par ailleurs, uneétude réalisée par un groupe de presse scandinave a établi que 3 des 69 hôtels figurant sur la liste officielle des établissements recommandés par la FIFA refuseraient l'entrée à des couples de même sexe.

En ce qui concerne les citoyennes du Qatar, elles sont soumises à des mesures de tutelles floues, qui imposent la présence ou l'accord d'un homme jusque dans leurs activités quotidiennes et installent une surveillance permanente, comme le rapporte Human Rights Watch dans un rapport. Elles ne peuvent ainsi voyager et étudier à l'étranger, avoir accès à la contraception et se marier sans accord...

De fait, les supportrices étrangères auront elles aussi à se plier à quelques règles lunaires : leur tenue doit être couvrante et est strictement encadrée, leurs contacts avec les hommes sont limités.

De nombreuses personnalités appellent déjà au boycott

Si ces arguments imparables n'ont pas achevé de vous convaincre, sachez que de nombreuses personnalités et institutions ont d'ores et déjà pris position. Plusieurs villes françaises comme Strasbourg, Dijon, Paris ou Marseille ont ainsi annoncé qu'elle ne retransmettraient pas publiquement les matchs de la Coupe du monde, comme elles avaient pu le faire lors des autres éditions.

D'autre part, le journal Le Quotidien aassuré ne pas couvrir la compétition sportive, quand d'autres médias ont affirmé vouloir réaliser la plupart de leurs sujets en parlant de la catastrophe sociale et environnementale.

Enfin,plusieurs députés LFI et écologistes, ainsi que Virginie Despentes, Vincent Lindon, mais aussi des personnalités issues du monde du foot, à l'image de l'ancien champion de foot Eric Cantona ont condamné l'organisation d'un tel événement au Qatar.

"Je ne regarderai pas un seul match de cette Coupe du monde. Déjà, parce que le Qatar n'est pas un pays de foot. Aucune ferveur, aucune saveur. Une aberration écologique, avec tous ces stades climatisés... Quelle folie, quelle stupidité", a déclaré "Canto" dans un long message Facebook.

 

"Mais c'est surtout une horreur humaine. Combien de milliers de morts, pour construire ces stades, pour au final amuser la galerie deux mois... Et tout le monde s'en fout", a-t-il renchéri.

De quoi garder vos mains loin de la télécommande...

Mots clés
Société Environnement LGBTQI droits des femmes Droits des enfants pollution football News essentielles sport
Sur le même thème
"Il fallait que les doses montent, c'était très dangereux" : Céline Dion se confie sur ses excès médicamenteux
canada
"Il fallait que les doses montent, c'était très dangereux" : Céline Dion se confie sur ses excès médicamenteux
17 juin 2024
#MeToo : Sandrine Kiberlain s'exprime sur l'affaire Edouard Baer : "ce qu'il a dit est très parlant !" play_circle
Société
#MeToo : Sandrine Kiberlain s'exprime sur l'affaire Edouard Baer : "ce qu'il a dit est très parlant !"
3 juin 2024
Les articles similaires
J.K Rowling accuse la boxeuse algérienne Imane Khelif d'être un homme ? La médaillée d'or porte plainte contre elle ! play_circle
Société
J.K Rowling accuse la boxeuse algérienne Imane Khelif d'être un homme ? La médaillée d'or porte plainte contre elle !
14 août 2024
Eric Naulleau fier d'avoir rencontré sa femme mineure, cette ancienne séquence télé qui choque play_circle
Société
Eric Naulleau fier d'avoir rencontré sa femme mineure, cette ancienne séquence télé qui choque
21 novembre 2024
Dernières actualités
"On entend encore que les violeurs sont victimes" :  la plaidoirie historique de l'avocat de Gisèle Pelicot au procès de Mazan play_circle
justice
"On entend encore que les violeurs sont victimes" : la plaidoirie historique de l'avocat de Gisèle Pelicot au procès de Mazan
22 novembre 2024
"Les violences sexuelles sont dues à l'immigration" : cet homme politique tient des propos scandaleux play_circle
Politique
"Les violences sexuelles sont dues à l'immigration" : cet homme politique tient des propos scandaleux
22 novembre 2024
Dernières news