L'oiseau blanc aurait-il du plomb dans l'aile ? A l'heure où le cyber-harcèlement est enfin considéré comme un problème majeur, source d'enquêtes et de préventions diverses, on s'interroge forcément sur la manière dont les plus grandes plateformes du monde traitent la question. Et en première ligne, Twitter donc. Les réponses du réseau social ? Pleines de bonnes intentions, vous pensez bien.
En ce début d'année, Twitter a par exemple proposé d'enrichir son choix de configurations, laissant à l'utilisatrice et l'utilisateur la liberté de limiter son audience en fonction de ses mentions, les internautes pouvant choisir qui peut réagir (ou non) à leurs publications. L'idée ? "Aider les gens à se sentir plus en sécurité en leur donnant plus de contrôle sur les conversations qu'ils entament", assurent en ce sens les responsables du réseau l'espace d'un communiqué officiel. Les choses sembleraient aller dans la bonne direction donc.
Et pourtant... Les réponses de Twitter aux réalités du cyber-harcèlement suscitent perplexité et critiques. Celles de l'organisation non-gouvernementale Amnesty International par exemple, qui l'affirme désormais dans un nouveau rapport : non, "Twitter n'est toujours pas à la hauteur quand il s'agit de protéger les femmes contre les violences et abus en ligne". Il y a deux ans, Amnesty parlait déjà de "Toxic Twitter" (un Twitter toxique).
Et le bilan ne semble pas plus mélioratif aujourd'hui.
Ce qui est reproché à Twitter ? Ne pas avoir suivi les recommandations établies par Amnesty International depuis deux ans. Et ne pas faire assez contre les "torrents d'insultes" que reçoivent bien des utilisatrices, que cela soit au Royaume Uni, en France, en Argentine, en Inde. Ne pas être suffisamment transparent concernant les solutions proposées et les données enfin, notamment dans les cas des signalements - d'utilisateurs ou de publications "problématiques", sexistes, injurieuses, menaçantes...
Des signalements d'abus dont les détails sont trop peu communiqués au grand public, ce qui rend l'évaluation de ce fléau - par pays, par région ou par type d'abus par exemple - encore trop incertaine. Tout aussi incertain est le nombre de modérateurs déployés au sein de la plateforme pour identifier et limiter ces problèmes-là.
Pour Amnesty, ce manque d'informations est synonyme d'inaction. Comme si le cyber-harcèlement était considéré comme un phénomène abstrait. "Ce qui amène un grand nombre de femmes à se taire ou à s'autocensurer sur la plateforme", déplore Rasha Abdul Rahim, la co-directrice d'Amnesty Tech.
Mais les recommandations de l'ONG face aux abus numériques, elles, sont concrètes. Améliorer les mécanismes de signalement par exemple, renforcer les fonctionnalités relatives à la vie privée et la sécurité des utilisatrices bien sûr, mais aussi assurer davantage de transparence au sein de l'entreprise. Un jour peut-être ?
"Le PDG de Twitter Jack Dorsey doit montrer qu'il est sincère dans sa volonté de faire de Twitter un endroit plus sûr pour les femmes. Nous continuerons de faire pression sur l'entreprise dans l'attente de changements qui montrent clairement que les abus et les violences visant les femmes sont proscrits sur la plateforme", poursuit l'organisation non-gouvernementale dans son rapport. L'enjeu ? Arrêter de parler, et agir, enfin.
Le rapport reconnaît cependant "certaines améliorations notables", mais c'est encore trop peu. Les responsables du réseau social, en retour, ont reconnu "devoir faire davantage" face à cette situation, en combinant plus encore modération humaine et modération technologique par exemple, mais aussi en assurant davantage de prévention face aux abus en ligne. Oui, il y a encore beaucoup à faire. Surtout quand l'on écoute les plaintes. "Twitter semble toujours avoir un train de retard et se montre trop lent pour remédier aux différents types d'atteintes que subissent les femmes", tacle à ce titre l'auteure et militante indienne Meena Kandasamy.
Et s'il était temps de passer à la vitesse supérieure ?