C'est une affaire qui pourrait bien s'apparenter à de l'impunité si elle était confirmée. Le chanteur star marocain Saad Lamjarred, aux centaines de millions de vues sur la plateforme Youtube, est soupçonné d'avoir violé une saisonnière de 28 ans travaillant à Saint-Topez dans la nuit de samedi (25 août) à dimanche.
Mis en examen mardi 28 août pour viol le mardi 28 août, l'homme a été relâché et placé sous contrôle judiciaire après le paiement d'une caution de 150 000 euros, alors que le procureur de la République par intérim de Draguignan avait requis son placement en détention provisoire selon Var Matin.
Mais aujourd'hui, c'est une autre femme qui témoigne dans les colonnes du journal varois. Car Saad Lamjarred, 33 ans, grande vedette de la musique au Maroc, n'en est pas à son premier fait présumé.
Une femme, Laura Prioul, accuse le chanteur de l'avoir battue et violée à Paris en octobre 2016. Celle qui avait 20 ans à l'époque a porté plainte. Ce qui a amené à la mise en examen du chanteur pour "viol aggravé" et "violences aggravées".
Elle est aujourd'hui saisonnière dans une station du Var et reste abasourdie par la remise en liberté du chanteur. Laure Prioul raconte également son étonnement de voir que Saad Lamjarred est dans le Var alors que, selon elle, son contrôle judiciaire l'oblige à rester en région parisienne.
Laura Prioul dit vivre un enfer depuis que son nom a été révélé lors de l'affaire la concernant (par l'animateur Jeremstar) mais qu'on ne connaît pas le nom de la nouvelle victime. Elle explique : "Tout se déverse vers moi alors que cette histoire n'est pas la mienne. C'est très douloureux. J'ai reçu des commentaires haineux, des insultes, des menaces de mort... Par exemple : 'On va te violer pour de vrai devant tes frères...' J'ai peur pour ma sécurité et pour celle de ma famille."
Dans la directe ligne de l'énorme élan de solidarité entre femmes qui a suivi #MeToo et #BalanceTonPorc, Laura Prioul appelle la nouvelle victime du chanteur à la contacter : "Si cette victime veut me contacter, qu'elle le fasse, on peut être plus forte ensemble." Elle envoie son soutien à celle qui se dit victime du chanteur : "J'espère que son nom ne sera pas révélé parce que moi, j'ai vécu un enfer. Une histoire comme ça, on essaie plutôt de s'en cacher."
Elle décrit les menaces et le fait que son nom soit traîné dans la boue sur internet : "Aujourd'hui, si un employeur tape mon nom sur Internet, il va trouver des choses qui me nuisent : j'aurais vendu de la drogue, je serais une escort girl."
Elle ajoute : "J'ai vécu à Londres, à Grenoble, à Cannes, et à chaque fois je suis tombée sur quelqu'un qui m'a reconnue... C'est pour cela que je préfère rester discrète sur l'endroit où je me trouve actuellement."
Laura Prioul dit se sentir forte, même si elle a toujours peur d'être retrouvée. Elle a des propos forts : "En me battant pour mon histoire, je me bats aussi pour toutes celles qui n'ont pas parlé."
Dans l'affaire de la nouvelle victime de 28 ans, le parquet de Draguignan évoque "deux versions diamétralement opposées qui s'entrechoquent". Elles nécessitent "la poursuite des investigations et l'audition de tout témoin utile."
L'avocat du chanteur interrogé par Le Parisien réplique : "[Il]conteste toute violence à l'encontre de cette personne, de quelque nature que ce soit" et "aucune constatation matérielle ne permet de confirmer l'existence" de ces violences.
Saad Lamjarred a pourtant des dossiers lourds derrière lui : il a aussi un temps été accusé de viol par une femme aux États-Unis en 2010, avant l'abandon des poursuites après que la plaignante ait lâché prise, fatiguée. En 2015 également, une Franco-marocaine avait porté plainte contre lui pour abus sexuel et violences, ce qui lui a valu une mise en examen pour viol en avril dernier.
Le chanteur a le soutien du roi du Maroc Mohammed VI qui finance sa défense. Ce qui pose encore une fois la question de la gestion des violences faites aux femmes au royaume du Maroc. Après une énième agression d'une adolescente séquestrée, violée et tatouée de force, des auteurs et autrices ont signé une tribune dans Libération pour dénoncer le sort fait aux femmes au Maroc : "Qui va sauver les femmes marocaines ? "
Une loi a été votée en début d'année pour lutter contre ces violences. Très critiquée par les défenseurs des droits humains, ils lui reprochent d'être vide et de ne pas protéger les victimes.