Vendredi 28 février, lors de la 45e cérémonie des César, Roman Polanski a été récompensé dans la catégorie Meilleure réalisation, pour J'accuse. Un prix qui lui était décerné personnellement, et qui rejoignait les deux autres statuettes remportées pour douze nominations que le film a reçues. Douze, c'est aussi le nombre de femmes qui accusent l'homme de les avoir agressées sexuellement, alors qu'elles étaient encore mineures. Des cas prescrits aujourd'hui.
L'une d'elles, Samantha Geimer, a cependant pu obtenir un jugement en 1977, ainsi que la condamnation de son agresseur, qui a avoué l'avoir droguée, puis violée et sodomisée lorsqu'elle avait 13 ans. Ces faits, s'ils semblent être ignorés voire excusés par une partie de l'industrie du cinéma français, ont un nom : la pédophilie. Pourtant aujourd'hui, leur auteur s'est vu remettre une distinction honorifique convoitée, pour la simple raison que l'on devrait "séparer l'homme de l'artiste".
Scandalisées par le palmarès, et par le retard de la France alors qu'outre-Atlantique, l'impunité n'a plus sa place, de nombreuses femmes ont décidé de prendre la parole. Sous le hashtag #JeSuisVictime, elles livrent leur histoire, leurs histoires, et surtout la façon dont elles ont été abusées par un membre de leur entourage (80 % des viols sont commis par un proche selon le Collectif Féministe Contre le Viol). Elles ne veulent plus se taire.
"On ne se taira plus. Ni vos insultes, ni vos accusations, ni votre mépris ne nous ferons taire. La honte doit changer de camp ", tweetait samedi soir une internaute, sous le choc du sacre de Roman Polanski. Après elle, ce sont des centaines de femmes qui témoignent, avec des mots qui interpellent et qui indignent. "C'était le compagnon de ma mère quand j'avais 12 ans", écrit une jeune femme.
"La scène s'est répétée, par un ami. Un mois avant mes 18 ans, il y a 2 ans. Je n'ai pas porté plainte, il a gâché ma vie, je ne voulais pas gâcher la sienne." Une autre confie quant à elle : "J'avais 11 ans, 12 ans, 13 ans par mon père adoptif. J'avais 14 ans par un mec de mon lycée. J'avais 18 ans par mon ex. Et encore... yen a d'autres". Certaines abordent aussi le manque de considération de la part des forces de l'ordre.
Le collectif Nous Toutes a rapidement réagi, apportant tout son soutien à ces femmes : "Nous vous croyons. Vous êtes fortes et courageuses. Vous n'y êtes pour rien. Les violences sont graves et interdites par la loi. Nous sommes à vos côtés. #JeSuisVictime".
Avant de poursuivre dans un communiqué sur le sujet des César : "La honte. En récompensant le réalisateur de J'accuse hier soir, l'académie des César a littéralement craché aux visages des victimes de violences pédocriminelles, aux visages des victimes de violences sexuelles". Avec plus de dix milles partage depuis samedi 29 février, le hashtag #JeSuisVictime prouve que ce sujet tragiquement tabou est d'une urgence indéniable.