Justine Atlan : Nous constatons que l’utilisation d’Internet vient s’ajouter à un harcèlement qui a lieu à l’école. Ce média a pour effet d’aggraver le harcèlement : sur Internet les témoins sont plus nombreux, et les jeunes se sentent moins engagés par leurs propos : ils sont pris facilement dans l’engrenage. L’impact est aussi plus fort pour la victime, qui subit les attaques y compris quand elle rentre chez elle, sur son ordinateur ou son portable, elle se retrouve complètement enfermée dans son rôle de victime. En outre, cette malveillance en ligne laisse plus de traces, qui peuvent ressortir et lui porter préjudice beaucoup plus tard.
J. A. : Il est vrai que le premier frein à une prise en charge par l’école est de dire que ces violences n’ont pas lieu au sein même de l’espace scolaire. Mais ces outils font partie intégrante de la vie des jeunes désormais : la diffusion des smartphones équipés d’une connexion Internet est exponentielle, et tout cela se répercute sur la vie scolaire. On ne peut pas s’attaquer au harcèlement sans considérer toutes ses manifestations.
J. A. : Ce sont des photos compromettantes ou truquées, diffusées par MMS ou sur Facebook, des commentaires blessants et des insultes publiés sur un profil –les enfants appellent cela « pourrir un profil »-, ou encore des groupes créés avec comme titre « Qui veut casser la gueule à un tel ?» Et lorsqu’un certain nombre de membres a été atteint dans le groupe, ils passent à l’action à l’école ou à la sortie… Il y a aussi des piratages ou des créations de faux comptes – les « fake »- qui servent de déversoirs à insultes.
J. A. : Ce que nous constatons par le biais de Netecoute, la helpline destinée aux élèves, aux parents et aux professeurs, c’est qu’il y a plus de victimes chez les filles, et autant de harceleurs filles que garçons. Les filles sont plus actives sur les réseaux sociaux. Entre 12 et 14 ans, l’âge où elles testent leur pouvoir de séduction, elles utilisent Facebook pour poster des photos, se mettre en valeur, elles s’exposent plus aux commentaires, alors que les garçons restent surtout dans des rôles de commentateurs et de voyeurs. Mais entre elles les filles sont aussi redoutables.
J. A. : Il est évident que beaucoup d’enfant n’osent pas dire ce qu’il se passe à leurs parents. Le problème c’est que les adultes connaissent encore moins bien Facebook que les jeunes. Pourtant il est possible de signaler des utilisateurs facilement (illustration) en allant sur leur profil, dans la colonne de gauche sur l’onglet « Bloquer/signaler cette personne », on peut ensuite justifier la démarche : « Mon ami m’attaque ou se moque de moi » ou « se fait passer pour moi », etc. Facebook traite la requête assez rapidement en envoyant une mise en garde à l’utilisateur ou en fermant le compte.
J. A. : Notre association a un contact privilégié chez Facebook, et une procédure est prévue pour les cas où les démarches de signalement sur le réseau social ne suffisent pas. Nous pouvons donc aider les parents lorsqu’un harcèlement se poursuit sur Facebook. Nous transmettons un dossier à notre contact pour faire fermer immédiatement le profil qui pose problème. Cette offre s’étendra désormais aux chefs d’établissement qui pourront passer par nous en cas de harcèlement d’un élève. Le vrai changement c’est que l’école sait qu’elle peut agir et comment le faire. Avant, les enseignants ne savaient pas s’il était légitime d’intervenir sur ces problématiques, maintenant on les incite à identifier et traiter cette violence.
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