Béatrice Massenet : Le sujet m’intéressait. J’avais eu l’occasion de lire, il y a quelques années, une interview de la chancelière allemande Angela Merkel dans laquelle elle détaillait l’organisation de son quotidien. Elle semblait différente et accessible ; à l’opposé de l’image sévère qu’elle renvoie habituellement. Le regard que je portais sur elle a radicalement changé à partir de cet instant. A chacun de ses passages télévisés, à chaque nouvelle interview, je repensais à cet entretien, aux détails qu’elle avait pu donner : autant d’éléments qui en faisaient soudain une femme proche de ses citoyens.
Par ailleurs, le paysage politique français a beaucoup changé depuis l’accession au pouvoir du président Nicolas Sarkozy. Les femmes sont plus nombreuses au gouvernement, plus jeunes aussi. Elles font davantage la Une des magazines et, malgré tout, on ne connaît rien d’elles. J’ai donc eu envie d’en savoir plus.
B. M. : Le plus compliqué a été d’obtenir un rendez-vous. Il m’a d’ailleurs fallu un an pour parvenir à brosser le portrait de ces douze femmes. Mais elles se sont prêtées au jeu assez facilement après que je leur ai expliqué mon projet. Le fait que je ne sois pas journaliste politique et mon ignorance sur ce thème a été, pour une fois, un avantage.
De toute façon, mon unique but était de les rencontrer en tête-à-tête et de les amener à parler d’elles uniquement. Je leur ai donc posé des questions très concrètes dont les réponses, selon moi, intéresseraient le lecteur. Je n’ai jamais abordé le moindre sujet politique. Elles ont donc été plus surprises que réticentes ; presque soulagées de pouvoir parler d’autre chose, pour une fois.
B. M. : Tout à fait ! On dit souvent que rien n’est ni tout noir ni tout blanc. Ces femmes ne font pas exception à la règle. Certaines me sont apparues plus sympathiques que je ne l’imaginais, d’autres, au contraire, plus antipathiques.
En revanche, j’ai été impressionnée par le courage dont toutes font preuve face aux violentes attaques dont elles sont continuellement victimes. Mais lorsque ces rumeurs et provocations rejaillissent sur leurs proches, ou lorsque ces derniers sont épiés en raison de leur lien de parenté, leur armure se fissure. Elles se sentent alors coupables et affaiblies. Malgré tout, elles vont de l’avant.
B. M. : Ces femmes ont voulu tout avoir : une carrière professionnelle et une vie privée épanouie. Elles ne peuvent donc qu’assumer leur choix. Certes, elles sont plus aidées que les femmes ordinaires. Elles ont des nounous, des assistants, des secrétaires, mais elles restent soumises aux mêmes contraintes que n’importe quelle femme, mère de famille.
C’est plus simple pour certaines, comme Roselyne Bachelot, dont les enfants sont grands. Nathalie Kosciusko-Morizet ou Rachida Dati, qui ont des enfants en bas âge, s’organisent quant à elles pour concilier au mieux leurs obligations professionnelles et familiales. Par exemple, lorsqu’elles ne sont pas en campagne, elles refusent systématiquement les réunions tardives au sein de leur ministère, de même que les rendez-vous avec des journalistes ou autres. Elles sont, en outre, constamment en contact avec leurs proches, par quelque moyen que ce soit. Ainsi, pendant notre entretien, Rachida Dati n’a cessé de converser par texto avec sa sœur qui s’occupait de sa fille Zohra.
B. M. : Je ne pense pas que les hommes politiques soient prêts à se confier aussi sincèrement que l’ont fait les femmes. J’ai peur que leur discours ne soit trop policé, préparé par une armada de spécialistes en communication.
Par ailleurs, je ne suis pas certaine qu’un homme politique ait les mêmes contraintes qu’une femme vis-à-vis de sa famille. Comme c’est le cas dans le reste de la société, la conciliation entre carrière professionnelle et vie familiale est d’abord un problème de femmes.
« Et qui va garder les enfants ? » de Béatrice Massenet, chez Robert Laffont. 200 pages, 18 euros.
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