"Le sentiment d'impunité des agresseurs conjugué au phénomène de décompensation me fait craindre une vague de violences sexuelles au déconfinement". C'est sans détour que Marlène Schiappa a révélé ses appréhensions au micro de RFI. Si depuis les prémices du confinement les témoignages édifiants de victimes de harcèlement de rue et d'agressions se suivent tristement, et si cette période d'isolement a également engendré une nette augmentation des violences conjugales en France, le déconfinement ne fait pas plus rêver.
Une recrudescence des violences sexuelles dans les semaines à venir, c'est donc ce que craint aujourd'hui la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité femmes-hommes. Avec, en point de réflexion parmi d'autres, les résultats d'une étude lancée par une ONG indienne qui démontre que "les recherches sur les sites pornographiques sont de plus en plus violentes à mesure que le confinement dure", développe-t-elle. C'est de là qu'éclot cette peur annoncée de la "décompensation" sexuelle.
Et ce alors que, comme l'indiquent régulièrement les autorités, les violences sexuelles et sexistes sont loin de s'arrêter à l'heure du "Restez chez vous". Un climat toxique qui laisse présager le pire pour les femmes.
Il faut dire que les récits d'agressions sexuelles s'accumulent en période de confinement. "Un homme s'est mis à se rapprocher de moi très près, à me coller. Il m'a demandé ce que je portais comme sous-vêtements. 'Tu portes une culotte ou un string ?'. Il a regardé à droite à gauche, s'est assuré que la rue soit vide pour me coller encore plus... [...] Il est parti en me traitant de grosse pute. Je n'ai jamais eu aussi peur. J'ai cru que j'allais me faire violer", nous racontait il y a peu Alexandra, une jeune femme victime de harcèlement et d'agression en pleine rue.
En France, les témoignages tout aussi scandaleux se suivent et se ressemblent hélas : regards déplacés, vulnérabilité des passantes largement accrue, sentiment persistant d'insécurité, insultes diverses, attouchements... Un écoeurement généralisé, donc. Dans les pages de 20 Minutes, l'anthropologue Chris Blache affirme en ce sens que cette période ne fait qu'exacerber la domination des hommes au sein des rues, des villes et des villages : "Quand on vide l'espace public, des principes mécaniques reviennent : les propriétaires de ces espaces expérimentent leur droit à la propriété", décrypte l'experte.
A cela, il faut ajouter d'autres constats des plus préoccupants, comme l'augmentation alarmante de cas de "revenge porn" sur les réseaux sociaux. Des cas d'humiliation systématique et de cyberharcèlement massif qui, sur Snapchat notamment, concernent principalement de jeunes adolescentes, et ont déjà suscité des dizaines et des dizaines de signalement. Autant de signes annonciateurs qui démontrent "qu'il y a un vrai risque de violences sexuelles au moment du déconfinement", poursuit encore Marlène Schiappa sur les ondes d'Europe 1.
Une situation si critique que le collectif féministe Nous Toutes a pour projet de lancer une cagnotte en ligne afin de pouvoir former 10 000 personnes à apprendre à détecter les violences sexuelles et accompagner les victimes au gré des mois à venir. Une initiative militante salutaire soutenue par la secrétaire d'Etat à l'égalité, qui l'annonce sur Twitter : "Cela rentre dans les objectifs de notre fonds d'urgence de subventions aux associations luttant contre les violences pendant le confinement, et cela peut donc être financé par l'Etat".
Une promesse pleine d'espoir(s) ? Comme le précise 20 Minutes, Marlène Schiappa avait décidé le mois dernier d'ouvrir un "groupe de réflexion composé d'expert·e·s" (psychiatres, avocats, artistes, scientifiques) afin de réfléchir aux meilleures mesures susceptibles de protéger les femmes après le 11 mai. Histoire que le "monde d'après" ne soit pas comme le monde d'avant, mais en pire.