"Les femmes et les hommes ne vivent pas le même confinement". Voilà qui est dit. Le temps d'une interview exclusive accordée au Point, la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa est revenue sur un sujet encore trop peu évoqué, et pourtant si prégnant en temps de confinement : la charge maternelle. L'occasion d'évoquer l'épuisement des mères de famille, l'inégale répartition des tâches ménagères ou encore les "burn out" parentaux.
58 %. C'est le taux de conjointes qui estiment passer plus de temps que leur moitié à "assumer l'ensemble des charges domestiques" ces dernières semaines, à en croire les résultats d'un sondage national effectué par l'Institut Harris Interactive à la demande de Marlène Schiappa. Des résultats inquiétants qui laissent à penser, suppose la secrétaire d'Etat, que les femmes courent tout droit vers un "épuisement silencieux", insidieux et inévitable. Mais comment faire face à cette "surcharge" mentale ?
Car non, hommes et femmes ne vivent pas le même confinement, ne serait-ce que d'un point de vue purement statistique. Selon le sondage mis en avant par Marlène Schiappa, 54 % des femmes consacrent plus de deux heures par jour aux tâches domestiques et éducatives, contre seulement 35 % de leurs conjoints. Lessive, ménage, vaisselle sont donc inégalement réparties. Rien de très étonnant (hélas) lorsque l'on sait, études à l'appui, que le domaine sanitaire est encore un labeur bien trop genré. Alors que certains pensent que le lavage de main est "un truc de bonnes femmes", un sondage de la Fondation Jean Jaurès sorti l'an dernier nous apprenait que les conjointes pouvaient consacrer jusqu'à 61 % de leur temps libre à la cuisine, la vaisselle, le ménage...
"Nous pouvons voir pléthore d'articles conseillant de profiter du confinement pour se mettre au yoga, relire la Pléiade... Mais la majorité des femmes n'en ont évidemment pas le temps, prises par ce travail non rémunéré", fustige à juste titre la secrétaire d'Etat pour l'égalité femmes-hommes. A la charge mentale habituelle des mères s'ajoutent les incidences du confinement : la fermeture des écoles et lieux extra-scolaires, mais aussi des cantines. Résultats, dans 63 % des familles françaises confinées, les repas sont préparés... par les mamans.
"Quand vous passez d'un repas par jour à trois à la maison, plus les goûters, cela fait autant de menus à penser, de préparations, de vaisselle, de tables à mettre, de courses... Cela prend un temps fou", déplore Marlène Schiappa.
Pourtant, on aurait pu croire que cette situation exceptionnelle, propice à bouleverser nos habitudes de consommation, allait également renverser ces inégalités trop normalisées. Mais il faut croire que rien n'est si simple. Car comme le déplore l'instigatrice du Grenelle des violences conjugales, "la question des tâches domestiques reste un énorme tabou". Oui oui, même en 2020.
Mais face à tout cela, il convient d'éveiller les consciences. Et de briser les injonctions. Comme celle "de la mère parfaite, chic et maquillée dès le matin, qui cuisine des gâteaux élaborés", tacle Marlène Schiappa. Un idéal qui ne fait qu'attiser les complexes. Ne pas faire culpabiliser les parents si l'équation tâches ménagères + éducation + télétravail les met à bout de nerfs serait aussi un plus. Et puis, bien sûr, redéfinir les rôles à la maison. Cela paraît fou, mais oui, c'est possible. Car changer les choses au foyer, c'est déjà changer la société : une égale répartition des tâches induit moins de fatigue, et par-là même une efficacité plus nette des conjointes qui doivent gérer leur taf à domicile. Idéal dans un pays largement marqué par les inégalités professionnelles.
Alors que nous vivons une crise aussi bien sanitaire que sociale, la bienveillance doit primer. "Il serait souhaitable avec cette crise de beaucoup moins nous juger les uns les autres et essayer davantage de nous comprendre. Les hommes qui prennent en charge plus de tâches domestiques doivent poursuivre leurs efforts", assure la secrétaire d'Etat. Alors qu'une Une du Parisien dévoilait un monde de demain théorisé par des experts exclusivement masculins, Marlène Schiappa pense tout l'inverse. Avec espoir, elle le suppose encore : "Beaucoup parlent du 'monde d'après' : une nouvelle solidarité au sein des couples peut en faire partie".
On croise les doigts. En attendant, un Guide des parents confinés relayés par le secrétariat d'Etat à l'égalité femmes-hommes vous offrira quelques pistes pour privilégier ce "travail d'équipe" tant souhaité.