Grégoire Delacourt : Non, c’est ma grande chance ! J’avais terminé mon premier roman « L’écrivain de la famille », un an avant sa sortie. Quand il a été accepté j’ai été formidablement heureux et en même temps paniqué, étais-je capable d’en écrire un autre ? J’avais une idée qui me trottait dans la tête, et j’ai donc profité de cette accalmie avant la parution du premier pour écrire celui-ci. Je l’ai écrit avec la même innocence que le premier, sans pression, juste l’angoisse de savoir si celui-ci plairait aussi à l’éditeur. J’ai essayé d’être tout à fait différent, je ne voulais pas écrire deux fois le même livre, je crois que c’est un des écueils. D’où une héroïne, une histoire plus courte, un style encore plus dégraissé qui me tenait à cœur.
G.D. : Elle a germé pendant plusieurs insomnies ! (rires) Au départ c’était davantage un sujet qui m’attirait, et qui est devenu ensuite une histoire. J’avais envie de parler d’une femme, d’écrire une histoire d’amour, de travailler sur la trahison. Je me suis interrogé : pourquoi dans les films ce sont toujours les femmes qui meurent d’amour et pas les hommes ?
G.D. : Oui l’écriture de ce livre m’a permis de comprendre que les femmes veulent partager alors que les hommes aiment posséder.
G.D. : J’ai adoré ! C’était une joie de chaque virgule et de chaque syllabe. Souvent quand un homme écrit pour parler des femmes, on trouve des petits résidus de machisme ; j’ai vraiment essayé de trouver des mots justes et bienveillants, parce que mon héroïne est juste et bienveillante. J’ai essayé d’éprouver ce que c’est d’être une femme, comment elle voit le monde, comment elle voit son corps, comment elle regarde l’homme, sa relation, qu’est-ce qu’elle en attend ? Cette exploration était passionnante. Tous les hommes ont une part féminine, moi j’assume parfaitement la mienne. J’ai été entouré de femmes toute ma vie, dans ma famille et dans mon métier (la publicité, ndlr), j’ai aimé beaucoup de personnages de femmes et d’écrivains femmes. Le livre est un grand mix de tout ça.
G.D. : C’est volontaire dans le sens où je voulais construire un personnage frappé par la loi des séries : Jocelyne rêve à des hommes de cinéma, mais rencontre un type qui s’appelle Jocelyn, c’est amusant et rare, et pour le lecteur c’est un indice. Elle rêve d’être styliste, mais elle travaille dans une mercerie, la patronne meurt étouffée par un bouton, donc elle reprend le commerce…. C’est une vie très simple, pas idéale et très loin du conte, mais plein de petites choses rares lui arrivent, et un jour elle a la possibilité de tout changer. Ce n’est pas le fait de gagner au Loto qui est important –le Loto est une métaphore du possible-, c’est ce que cela implique, ses choix et ce qu’elle met dans la balance.
G.D. : Oui cet ancrage local est très important pour moi. J’aime bien la province,-je suis originaire du Nord (Amiens, ndlr)- je trouve que cela donne une couleur, un exotisme pour le lecteur, j’aime que tout se passe dans des endroits marqués par le temps et l’Histoire. Il y a un esprit de province qui est très important dans cette histoire, une sorte de lenteur, la fermeture des commerces entre midi et 14 heures, on rentre tôt, on va moins au restaurant… Les petits plaisirs quotidiens prennent plus de sens que dans les grandes villes. Le blog de couture que Jocelyne crée fait aussi partie de cet environnement, cela montre l’importance de ces communautés virtuelles qui peuvent devenir de vraies chances pour des endroits plus calmes. Ce genre de tissu social est plus crédible en province qu’à Paris.
G.D. : Non je crois que c’est plutôt un livre sur le bonheur, mais son corollaire est le mensonge, la trahison et la peur de la perte. Le mensonge de cette femme est le produit de sa très grande lucidité, elle essaie de ne plus se mentir à elle-même. Elle se regarde, elle est un peu rondouillette au début, et se trouve tout de même belle. Et elle a raison, mais objectivement selon certains critères on pourrait dire que non, elle n’est pas belle. Je joue là-dessus, est-ce que ces petits arrangements avec soi-même relèvent du mensonge ? je ne crois pas. Il y a dans ce livre le mensonge qui devient une élégance avec soi-même, et il y a la trahison, mensonge beaucoup plus violent.
G.D. : Non, pour l’instant j’aime jongler avec les deux activités. Je ne dors pas bien, je peux être éveillé deux heures avant le lever du jour et les idées viennent. Jusqu’au moment où une première phrase s’impose. Mais j’aime le monde réel et mon travail, écrire un livre est une chance, être publié c’en est une autre, et plaire au public c’est encore mieux ! Je reste très prudent et reconnaissant de ce qui m’arrive, un livre est comme une musique qui doit trouver son public. Ce qui m’a vraiment bouleversé avec la sortie de « L’écrivain de la famille », ce sont les quelques dizaines de femmes qui m’ont écrit pour réagir à ce livre, je suis très heureux d’avoir touché quelque chose d’émouvant sur la famille. J’ai été reconnu par quelques prix et c’est très rassurant aussi. « La liste de mes envies » semble suivre le même chemin, les droits ont été vendus dans 30 pays avant la sortie française. Je pense que l’universalité de l’histoire et la bienveillance de cette femme touchent les gens.
Rencontre avec Grégoire Delacourt, « L’écrivain de la famille »
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Dossier rentrée littéraire 2011