Dans une Egypte où les questions liées à la sexualité sont encore tabou, voire considérées comme un péché, la gynécologue Alyaa Gad tente de faire, en ligne, l'éducation sexuelle de centaines de milliers de ses compatriotes. Ainsi, après avoir milité auprès de chaînes de télévision égyptiennes pour leur proposer un programme de sensibilisation aux questions de sexualité, la quadragénaire établie en Suisse, se lance, en 2010, dans la création d'une chaîne YouTube.
Cinq ans plus tard, la plateforme compte plus de 150 000 abonnés et avait, en décembre dernier, généré plus de 30 millions de clics en Egypte, au Maroc, en Irak, mais aussi en Arabie saoudite, l'un des pays les plus rétrogrades en matière de droits des femmes. "Les Arabes sont en demande d'information (...) Au début, je recevais des centaines de messages sur ma boîte email, ce qui m'a encouragé à poursuivre dans cette voie", indique-t-elle sur Slate.fr.
Et d'ajouter : "Il faut que les gens arrêtent de croire que le sexe n'est pas moral. Cette façon de penser est le terreau de frustrations dangereuses". Preuve en ce qui concerne l'excision. En effet, alors que cette mutilation est interdite en Egypte depuis 2008, elle est encore pratiquée, clandestinement, notamment dans les familles peu éduquées où, pour inhiber le désir sexuel des jeunes femmes et les empêcher de "fauter" avant ou hors mariage.
D'abord en diffusées en arabe, ses vidéos (voir en bas d'article), dorénavant disponibles en anglais, abordent tous les sujets liés à la sexualité. Masturbation féminine et masculine, anatomie du pénis, impuissance ou encore infertilité, Aylaa Gad entend couvrir la question dans son ensemble. Ainsi, la vidéo intitulée "sexe la première nuit" lui a valu quelque 2,3 millions de vues.
Plus qu'un travail d'éducation, Aylaa Gad combat également les stéréotypes entretenus par la pornographie, seule porte d'entrée vers la sexualité pour bien des jeunes hommes grands consommateurs de films pour adultes mettant en scène, la plupart du temps des femmes blanches et très jeunes. "Nourris de ces fantasmes, ils traitent leur femme comme celle de ces films, ils méprisent les femmes réelles. Cette réalité est source de grandes difficultés dans les couples", précise la gynécologue.
Un combat pour l'éducation sexuelle et l'égalité des sexes qui est loin de faire l'unanimité, y compris chez certains praticiens, comme ce collègue égyptien, proche des Frères Musulmans, qui avait lancé, sur Twitter, une campagne accusant la gynécologue de tous les maux : "La promotion de la masturbation, de recevoir des fonds de l'étranger et le pire de tous, d'être une adepte de l'athéisme", explique Lapresse.ca.
Aylaa Gad, qui compte près de 150 000 followers sur le site de microblogging, avait répondu par le hashtag #whywerejectimplementingsharia ("pourquoi nous rejetons l'application de la charia". Un mot-dièse vite répandu sur Twitter qui a contribué à faire connaître le travail d'Aylaa Glad.