Société
Elections en Tunisie : « il faut mobiliser les femmes »
Publié le 21 juillet 2011 à 09:00
Par Marine Deffrennes
Après 23 ans de dictature, la conscience politique tunisienne peut enfin s’exprimer. Haifa Ben Abdallah, 38 ans, est cadre à Tunis. Elle s’est engagée au sein du Pôle Démocratique Moderniste (PDM), regroupement de partis du Centre et de la Gauche, pour préparer les élections de l’Assemblée constituante. Entre espoirs et inquiétudes, elle se confie à Terrafemina.
Elections en Tunisie : « il faut mobiliser les femmes » Elections en Tunisie : « il faut mobiliser les femmes »© Saif Chaabane
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Terrafemina : Vous avez rejoint le Pôle Démocratique Moderniste au mois de juin, étiez-vous engagée politiquement avant la chute du président Ben Ali ?

Haifa Ben Abdallah : Je m’intéressais à la politique depuis l’enfance. Mon père appartenait au mouvement Perspectives, j’ai donc toujours suivi les débats et la vie politique du pays. Pourtant je n’ai jamais intégré de parti, le champ n’était pas libre, et le seul aspect idéologique ne m’attirait pas, j’avais besoin de pragmatisme. Depuis la Révolution, le catalogue des possibilités s’est enrichi, et j’ai voulu adhérer en tant qu’indépendante parce que je reste assez réticente à la logique partisane.

TF : Pourquoi avoir choisi le Pôle Démocratique Moderniste (PDM) ?

H. B. A. : La première raison c’est que c’est un groupement de partis et d’indépendants qui défend les valeurs auxquelles je crois : Démocratie et Modernité. En tant que femme tunisienne, ce deuxième point représente mon cheval de bataille, il intègre l’égalité pour tous et la question des droits des femmes. Ensuite j’accorde toute ma confiance aux deux partis chefs de file de cette organisation et à leurs leaders : le mouvement Ettajdid et le Parti Socialiste de Gauche (PSG). Ils ont su faire des compromis en ce qui concerne les programmes de leurs partis et leurs images pour donner la priorité absolue à l’enjeu démocratique et moderniste. Ma mission principale est de mobiliser et sensibiliser les citoyens pour qu’ils aillent voter pour les listes du PDM.

TF : Lors de l’élection du 23 octobre, toutes les listes devront respecter la parité entre les hommes et les femmes. La classe politique féminine tunisienne est-elle mûre, et la société est-elle prête ?

H. B. A. : Globalement notre pays a manqué d’une éducation politique, en particulier la jeune génération née avec le président Ben Ali. Mais une classe politique jeune et moins jeune, existe bel et bien, des militants qui n’ont pas été sous les projecteurs durant la période Ben Ali mais qui sont à l’avant-garde depuis plusieurs années, et parmi eux, beaucoup de femmes. Néanmoins je crains une faible mobilisation du côté de celles-ci, et cette question revient souvent dans nos débats. Les priorités familiales pour certaines, et la pression sociale, voire le blocage dans certaines régions pour d’autres, pourraient les dissuader de se présenter. Nous devons particulièrement les sensibiliser et les inciter à se mobiliser. Du côté des jeunes il y a également un gros travail à faire : ils ont pour beaucoup mené la Révolution mais quand nous allons à leur rencontre, ils ne semblent pas pressés de s’inscrire sur les listes électorales : ils n’ont jamais exercé leur droit de vote, et sous-estiment l’importance de leur voix.

TF : Selon vous, faut-il craindre la campagne du parti islamiste Ennahda, de nouveau autorisé depuis la chute du régime ?

H. B. A. : Peut être, parce que les discours islamistes radicaux se banalisent. Par exemple le parti Ennahda fait miroiter des arguments choquants : le fort taux de célibat des femmes serait dû à l’interdiction de la polygamie, le taux de chômage serait imputable aux femmes qui prennent les emplois des hommes… Et pourtant ils communiquent beaucoup sur leur adhésion au principe de parité des listes : c’est le double discours de ce parti qui est à craindre. Je reste très confiante malgré tout que la société tunisienne dans sa  majorité n’adhère pas à ces argumentaires.

Crédit photo : Saif Chaabane

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