La nouvelle en a étonné plus d'un·e. Martine Aubry, mairesse de Lille, a annoncé vouloir récupérer l'urine des visiteur·ses et exposant·es de la fameuse braderie de Lille qui aura lieu les 31 août et 1er septembre prochains pour en faire du fertilisant. Rien à voir avec Le Gorafi, l'info émanait du très sérieux France 3. Passées les blagues douteuses et réflexions dégoûtées, on s'est penché·es sur le sujet. Il semblerait que le procédé ne date pas d'hier, mais soit aujourd'hui réellement considéré. Le pipi d'humains pourrait ainsi bien aider à sauver la planète.
En 2015 déjà, un festival danois développait le concept de manière concrète. Les organisateurs avaient ainsi recueilli 25 000 litres d'urines de festivaliers et festivalières pour produire la bière de l'année d'après. Pas de panique, il s'agissait seulement de nourrir les champs d'orge qui serviraient à la concoction du breuvage tant convoité. "From piss to pilsner" était leur slogan choc. "De la pisse à la pils", comme le traduisait joliment 20 Minutes.
"L'énorme quantité d'urine produite durant les festivals avait un impact négatif sur l'environnement et le système d'égouts", expliquait à l'époque Leif Nielsen, du Danish agriculture and food council, au Guardian. "Mais le 'beercycling' va transformer l'urine en ressource". En 2016, 11 tonnes de céréales poussaient grâce au procédé.
Plus récemment, en juin dernier, l'entreprise girondine Toopi Organics, spécialisée dans le recyclage du liquide en biofertilisant, vantait aussi ses mérites : "L'urine est considérée à tort comme un déchet qu'il faut éliminer. Or, au même titre que les urines animales, elle contient des éléments nutritifs – azote, phosphore et potassium – essentiels pour la fertilisation des sols et des cultures", expliquait son fondateur Michael Roes, à actu.fr. Elle serait ainsi une excellente alternative aux pesticides chimiques et aux engrais nocifs pour la planète. "Testé en 2018 par l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), notre fertilisant biologique à base d'urine s'est montré plus efficace qu'un engrais chimique traditionnel", assure-t-il.
Pour ce qui est de la braderie de Lille, l'idée serait d'entamer la récupération à partir des éditions de 2020 ou 2021, puis de transformer l'urine pour alimenter les espaces verts de la ville. Faire pousser les arbres et les plantes, en ligne avec une politique écologique nécessaire.
"La base, c'est l'installation de toilettes sèches permettant de récupérer séparément l'urine et les matières fécales", explique Benjamin Clouet, président de l'entreprise Ecosec qui oeuvre dans le domaine depuis 2014, à 20 Minutes. "Ces sanisettes publiques sont même 30 % moins onéreuses que celles proposées par les grands installateurs". Installer des toilettes spéciales qui permettront de collecter facilement les besoins des visiteur·ses. Ensuite, il s'agit de filtrer en misant sur un concept peu coûteux en énergie et en ressources matérielles. On fait ainsi s'évaporer l'eau par distillation pour obtenir un engrais composé de 100 % des nutriments du liquide, que l'on déverse sous terre grâce à un système de goutte à goutte.
"Techniquement, on sait faire ça depuis longtemps", ajoute-t-il. "Les freins sont plutôt d'ordre réglementaire et psychologique. C'est incompréhensible, mais beaucoup de gens rechigneront moins à manger des légumes traités aux pesticides que d'autres qui ont poussé grâce à de l'urine". On rappelle notamment que beaucoup de légumes poussent eux, grâce à du fumier (soit de la bouse de vache fumante), et tout le monde trouve ça normal. Ou ne se pose pas vraiment la question.
D'après les estimations, si un quart des passant·es seulement utilise les urinoirs prévus à cet effet, cela représentera tout de même 150 000 litres d'urine (à hauteur de 300 ml par passage aux toilettes) à changer en fertilisant. Une quantité non négligeable quand on sait qu'il suffit de quatre litres d'urine par an pour fertiliser 1 m² de terre.
Une initiative qui aura un autre avantage : inciter les bradeux·ses à arrêter de se soulager sur la voie publique.