
Katy Perry, Lauren Sánchez et Gayle King.
Voici le trio de tête de la Blue Origin Mission, un équipage entièrement féminin qui a décollé dans l'ouest du Texas, à environ 100 kilomètres d’altitude, à bord d'une fusée, avant un retour rassurant à la terre ferme ce 14 avril 2025, abondamment commenté dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Escale spatiale spectaculaire effectuée en compagnie d'une spécialiste des fusées (Aisha Bowe) naturellement, d'une chercheuse en bioastronautique (Amanda Nguyen) et même, ce qui n'a pas grand chose à voir on en conviendra... d'une productrice de cinéma (Kerianne Flynn).

Décoller pour l'espace, moyennant finances. Ca, c'est ces dernières années l'un des rêves sacrés des milliardaires et multi-milliardaires d'aujourd'hui. Explorer les confins des étoiles pour le plaisir, en embarquant au passage une popstar légèrement has been afin de susciter l'émoi people, d'accord... mais à quel prix ? C'est ce dont s'offusquent globalement les internautes, pas vraiment fan de cette idée que l'on nous vend... Comme du féminisme !
C'est la bonne blague de la semaine.
Qui dit équipage entièrement féminin dit féminisme.

Enfin, c'est ce que les instigateurs de cette "Blue Mission" s'exercent à défendre dur comme fer, rappelant que l'on a avait pas vu un équipage exclusivement féminin s'envoler pour l'espace depuis un demi siècle. Cet événement très médiatisé a même donné lieu à quelques images soi disant "empouvoirantes", comme celle de Katy Perry embrassant le sol, enfin parvenue à retrouver le sable terrestre, suite à son expédition aller-retour de 11 minutes, se réjouissant : "le plus important, c’est de créer de l’espace pour les prochaines femmes, montrer que les femmes doivent occuper l’espace".
Ou cette déclaration de sa coéquipière Gayle King : "Imaginez les réactions des jeunes femmes face à ce que cela représente !".
Les internautes, eux, imaginent des choses beaucoup plus pragmatiques : le coût écologique d'une telle excentricité. Florilège du côté du média Brut : "Le monde marche sur la tête", "Les riches se font plaisir", "Katy Perry devient l'égérie de la pollution", "Ou comment aller à l'encontre du bon sens climatique", peut-on lire. Des fans de Katy Perry s'en attristent.

Mais ce n'est pas tout...
Le média écolo VERT délivre un verdict sans appel : "On estime à 24 tonnes la quantité de carburant nécessaire pour lancer la fusée. La quantité de CO2 émise à chaque lancement s’élève à 93 tonnes. Si l’on divise ce total par le nombre de passagères dans la capsule ce lundi – c’est-à-dire six –, chacune d’entre elles serait responsable de l’émission de 15,5 tonnes de CO2. Soit l’équivalent de ce qu’émet un·e Français·e en… un an et demi".

Ca fait mal, non ?
On peine à comprendre la valeur "féministe" d'un projet qui va complètement à l'encontre de la lutte pour le respect de l'environnement. Un combat qui a toujours fait partie des mobilisations pour les droits des femmes. L'écoféminisme, notamment, démontre largement l'étroite relation entre le respect de la planète, et celui des femmes.
Les féministes, oui, mais pas forcément Katy Perry.

"Ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on a le droit de dégrader l’environnement", fustige à VERT Emmanuelle Rio, enseignante-chercheuse en physique à l’Université Paris-Saclay. Précisant : "Les femmes ont toute leur place dans la construction d’un monde qui ne court pas à sa perte".
Du projet émane aussi une ambition délicatement capitaliste qui "tease" volontiers les nombreuses escales spatiales auxquelles l'on peut s'attendre dans les années à venir, avec l'expansion et la banalisation d'une velléité de "colonisation" (un terme malheureux mais employé sans complexes par bien des "entrepreneurs").
Il semble en tout cas bien loin le temps où Katy Perry préférait s'adresser à ceux que ce système patriarcal - bien que soucieux de proposer du "feminism washing" : opportuniste et factice - malmène, comme la communauté LGBTQ.