Culture
Ethique et sites d’information « participatifs » font-ils bon ménage ?
Publié le 27 juillet 2012 à 16:59
Par Nathalie Blu-Perou
De plus en plus de sites d'infos font appel à des contributeurs, « célèbres » ou anonymes, qui publient leurs humeurs ou leur point de vue sur l'actualité selon leurs envies. Qu'en est-il, juridiquement, de la responsabilité de ces rédactions accueillantes ? Nathalie Perou, notre contributrice, se penche sur le sujet.
Ethique et sites d’information « participatifs » font-ils bon ménage ? Ethique et sites d’information « participatifs » font-ils bon ménage ?
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« Jean-Luc Delarue est mort ». Durant quelques heures ce week-end, sur le réseau social Twitter, cette nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre, avant d’être démentie un peu plus tard par l’attaché de presse de l’intéressé (via Twitter également).

Ce n’est pas la première fois qu’est annoncé à tort le décès de célébrités sur les réseaux sociaux et cet acte totalement incongru était l’initiative d’une seule personne, visiblement en mal de notoriété (fût-ce t-elle éphémère et résultant de procédés parfaitement immoraux).

Mais la veille, sur le site participatif Le Plus du Nouvel Observateur, était publié un témoignage sur Jean-Luc Delarue, intitulé  « Jean-Luc Delarue et moi », peu flatteur – c’est le moins que l’on puisse dire – signé d’un de ses anciens collaborateurs. La publication de cette chronique par des éditeurs professionnels soulève la question du statut des sites d’information dits  « participatifs ».

La pupart des grands journaux d’information “papier » ont aujourd’hui leur portail internet, mais ils ont, en plus, une sorte d’ « annexe » qui leur sert de plate-forme relationnelle avec leurs lecteurs internautes : Le Plus pour Le Nouvel Observateur, Express Yourself pour l’Express ou encore You pour Le Parisien, etc. Mais doit-on considérer ces sites  « participatifs » comme des sites d’information à part entière ou bien comme de simples  « forum », où l’on débat et échange des idées ?

La charte de Munich de 1971 (charte européenne des devoirs et des droits des journalistes) définit, entre-autres, dix devoirs, parmi lesquels le respect de la vie privée. Or ce témoignage aux allures d’épitaphe, sur une personne encore bien vivante, en dit long à la fois sur le manque de délicatesse de son auteur et sur la stratégie  « médiatique » du comité éditorial du site qui bafoue ce que Marc-François Bernier appelle les  « piliers normatifs du journalisme ». Et eu égard au contexte particulier de la maladie de J-L Delarue, la publication d’une telle chronique relève, en vérité, plus d’une atteinte à la dignité de la personne que d’une atteinte à la vie privée.

Mais lorsqu’on s’attarde un peu sur les  « petites » lignes inscrites au bas des pages d’accueil de ces sites, on peut trouver ce genre d’indications, à l’intention particulière des lecteurs :  « Les informations relayées dans les contributions ne font l’objet d’aucune vérification et, n’émanant pas de la rédaction, n’engagent que la responsabilité des seuls contributeurs ». Les directions de publication n’ont-elles pas trouvé là un moyen facile de se décharger en toute bonne conscience de la responsabilité de ce qu’elles publient en s’exonérant des principes de déontologie du journalisme, notamment vérification des sources, respect de la vie privée et de la personne ?

La Charte européenne des devoirs et des droits des journalistes précise pourtant également qu’elle concerne aussi bien les journalistes que leurs employeurs. Certes, si quelques contributeurs sont en fait des professionnels du journalisme, ou du moins reconnus comme des  « spécialistes » d’un domaine particulier (politique, société, cinéma…) qui contribuent régulièrement pour le site (donc à considérer comme tels), ce n’est pas le cas des contributeurs occasionnels qui livrent leur témoignages ponctuellement, sur un fait précis. Tels des pigistes qui travailleraient gratuitement, ces derniers ne sont liés avec les éditeurs par aucune une relation rétributive, encore moins par un contrat de travail. Une  « collaboration » sans statut précis et confortable pour les éditeurs, mais dangereuse pour l’éthique de l’information, puisque  « libérée » de tout lien de subordination éditeur/contributeur.

Il existe donc manifestement un « flou » juridique entourant l’activité des « sites participatifs » qui ne devrait pas permettre ainsi aux rédactions de se dispenser de leurs devoirs déontologiques, ne serait-ce que par respect pour leurs lecteurs. Et dans ce monde du numérique où tout va toujours plus vite, l’éthique journalistique paraît, trop souvent hélas, sacrifiée sur l’autel de l’exigence de rentabilité de certaines directions de publication en quête de buzz médiatique.

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