En 2016, selon des chiffres révélés fin novembre par le ministère de l'Intérieur, 130 femmes sont mortes de violences conjugales.
Pour alerter sur les inacceptables meurtres de femmes par leur conjoint ou ex-conjoint, des militantes féministes se sont mis en tête de recenser tous les cas sur une page Facebook.
A l'origine, le groupe est constitué de militantes féministes se retrouvant sur une page qui soutient la pénalisation des clients de la prostitution.
L'une des militantes avait créé un blog en 2016, sur lequel elle comptabilisait tous les meurtres en faisant une veille minutieuse de la presse. Le blog est ensuite transformé la même année en page Facebook collaborative, Féminicides par (Ex) Compagnons, où quinze personnes se relaient pour faire de la veille et informer sur ces meurtres de femmes.
Ainsi, depuis début 2016, ces militantes tiennent un décompte du nombre de femmes mortes de violences conjugales. Elles ont pu déterminer le chiffre d'une femme tuée tous les deux jours depuis le début de l'année 2019. Selon les chiffres de ce groupe Féminicides par (Ex) Compagnons, 25 femmes seraient mortes à ce jour depuis le début de l'année.
Une des administratrices du groupe explique : "L'idée, c'était de comparer les chiffres avec ceux du ministère de l'Intérieur, qui paraissent tous les ans mais avec de plus en plus de délai, puisqu'au départ c'était six mois, maintenant c'est en octobre. On trouvait que le chiffre global n'était pas suffisant pour mettre ça en lumière."
Alors pour chaque victime, elles remettent un nom sur ces meurtres banalisés.
Au-delà de cette page Facebook, ces militantes ont aussi créé une carte sur Google pour recenser au fur et à mesure tous les meurtres de femmes.
Elles n'hésitent pas à parler de "terrorisme patriarcal" et rappellent que les violences conjugales font plus de victimes que le terrorisme religieux : "C'est banalisé par la presse, la justice, par le public, la société. L'utilisation du terme 'crime passionnel' par exemple, quand on est une famille de victime, on ne peut plus supporter ce terme. Parce qu'on sait que la personne qu'on a perdu a été assassinée et ce n'est pas de la passion : c'était de la domination, de la possession. On veut renommer le contexte de ces crimes."
Cette administratrice qui souhaite rester anonyme par peur de représailles des familles des tueurs, regrette que ces histoires soient essentiellement relayées par la presse quotidienne régionale et pas la presse nationale.
La page Facebook peut aider certains proches des victimes : "On a été contactées par des familles de victimes : 'Ma fille est sur votre liste'. On s'est dit que par rapport aux familles, c'était aussi important de pouvoir nommer l'enfant qu'ils et elles avaient perdu ou la tante, la cousine, la copine, la collègue, toutes ces familles. Tous ces proches, on les laisse comme ça en plan dans leur deuil. Dans un deuil qui est injuste, une mort qui est injuste, ça n'est pas une maladie, c'est un crime. Ces familles sont d'autant plus touchées qu'elles voient que c'est banalisé."
Par contre, quand des familles de victimes contactent la page pour supprimer un post les concernant, les militantes refusent leur volonté : "Non, on ne le fait pas, parce que tout d'abord, le nom est sorti dans la presse. On dit : 'Attaquez le journal'. Nous, on ne fait que recopier. On le trouve d'une façon ou d'une autre, sur les avis de décès. On n'enlève rien, on ne répond à aucune injonction, on estime qu'on est dans notre droit d'informer, et qu'on agit au titre de la liberté d'expression."
Ce groupe demande également une meilleure écoute et une meilleure prise en compte des violences que subissent les femmes de la part de la police : "Nous souhaiterions que les femmes qui portent plainte soient entendues immédiatement, qu'à aucun moment leur parole ne soit mise en doute. Lorsqu'on va déclarer qu'on s'est fait voler sa voiture, on ne va pas nous dire : 'Est-ce que c'est vrai ?' On va tout de suite vous croire. Par contre, quand vous dites que vous avez été violentée par votre conjoint, on vous demande si c'est vrai, si vous n'êtes pas là pour avoir la garde des enfants."
En évoquant les cas de Gulçin, tuée en Haute-Savoie et de Djenaba tuée dans le Lot, des femmes immigrées qui avaient été signaler leur cas à la police, l'administratrice de la page Facebook estime qu'elles "ont été encore moins crédibles quand elles sont allées porter plainte, il y a donc également du racisme".
Féminicides par (Ex) Compagnons appelle à une meilleure prise en charge de hommes violents, par le biais par exemple de bracelets électroniques pour que les interdictions d'approcher soient respectées : "On veut plus de moyens pour surveiller les hommes violents, pour les repérer et les ficher. On fiche bien les Gilets jaunes ou les fichés S, pourquoi pas les violents conjugaux ?"