La violence au sein des couples continue de tuer. Pire, elle a même tendance à augmenter. C'est ce que révèle le rapport annuel du Ministère de l'intérieur sur les morts violentes au sein du couple rendu public vendredi 1er septembre. En un an, 157 personnes ont été tuées par leur partenaire, soit 13 de plus qu'en 2015. Sans surprise, une grande majorité de ces victimes sont des femmes. En effet, 123 femmes ont trouvé la mort en 2016, contre 34 hommes. La plupart des meurtres a été commis à domicile. Selon le rapport, 37% des auteurs masculins de ces crimes étaient connus des services de la police et de la gendarmerie.
La principale cause de ces violences était "la séparation" ou "le refus de la séparation", indique l'enquête. Une explication qui n'a pas manqué de faire bondir l'association Osez le Féminisme !. "Nous vivons aujourd'hui encore dans une société où les hommes considèrent les femmes comme leur propriété, n'acceptent pas qu'on puisse leur opposer un "non". Ce meurtre a un nom : le féminicide [le meurtre d'une femme, d'une fille en raison de son sexe]", peut-on lire dans un communiqué publié sur le site de l'association.
L'étude dévoile par ailleurs que sur les 28 femmes qui ont tué leur conjoint, 17 d'entre elles étaient victimes de violences conjugales. "Ce chiffre est intéressant, car il veut dire que 60% des victimes hommes étaient des agresseurs", a déclaré à Madame Figaro la psychologue Ernestine Ronai, membre du Haut Conseil à l'égalité et responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis.
Autre fait encore plus effrayant : 25 enfants font partie des victimes "collatérales" des violences conjugales. Parmi eux, 9 sont décédés sous les coups de leur père, en même temps que leur mère. "Ces drames s'inscrivent trop souvent dans un contexte de violences préexistant qu'il est nécessaire de repérer (...). Il est également essentiel de protéger les enfants pour qu'ils ne soient pas témoins et ne reproduisent pas plus tard ce qu'ils ont vécu", ont déclaré dans un communiqué de presse commun le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, assurant de leur "totale détermination pour combattre ces violences insupportables".
En France, la question des violences faites aux femmes au sein du couple reste un vrai débat de société. En particulier depuis l'affaire Jacqueline Sauvage, qui a ému le pays entier. En décembre 2016, cette sexagénaire a été condamnée à 10 ans de prison pour avoir abattu son époux en 2012, après avoir subi des violences conjugales pendant des années. Ce verdict injuste, qui n'a manqué de déclencher le courroux et l'indignation des associations féministes, a cependant été révisé par le président de la République François Hollande qui a lui accordé la grâce totale fin décembre 2016.
En 2012, une autre femme du nom d'Alexandra Lange qui avait tué son mari en 2009 lors d'une dispute conjugale avait été acquittée. Ses avocates avaient insisté sur l'importance d'instaurer une loi en France reconnaissant les femmes battues en état permanent de légitime défense, comme c'est déjà le cas au Canada.
Pour les militantes de Osez le Féminisme !, l'urgence réside surtout dans la reconnaissance du féminicide. "Le féminicide est un crime ignoré et banalisé. Combien de femmes devront mourir encore pour que l'Etat et nos sociétés réagissent vraiment ?", questionne l'association.
L'année 2017 a été marquée par les lancements du 5ème plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes et du 1er plan contre les violences faites aux enfants. Depuis 2014, un service public téléphonique (le 3919) a également été installé pour secourir les personnes en danger au sein de leur propre domicile. Le dispositif permet de confier un téléphone portable spécial qui peut rapidement déclencher l'intervention des forces de l'ordre chez la victime.