Un nouveau crime sexiste s'abat sur l'Europe. En Irlande cette fois-ci. Alors qu'elle était partie courir le long d'un canal du comté d'Offaly, Ashling Murphy, professeure des écoles de 23 ans, a été tuée par un homme qui n'a, aujourd'hui encore, pas été clairement identifié - un suspect de 30 ans a été arrêté par la police ce 18 janvier.
"Un acte de violence dépravé qui a privé de sa vie une jeune femme aimable, talentueuse, aimée et admirée, a depuis uni le pays dans le chagrin et le soutien", déplore l'évêque Deenihan qui a pris la parole le jour de son enterrement, devant l'église bondée du village de Mountbolus, là où la jeune femme résidait.
Le membre du clergé continue, s'en prenant directement au fléau des violences sexistes et sexuelles et à leur ampleur systémique. "Ce crime a également suscité des questions sur nous-mêmes et sur la société. Il a remis en question nos attitudes et, en particulier, nos attitudes envers les femmes et il a remis en question nos valeurs et notre moralité". Des paroles qui semblent particulièrement résonner.
Le quotidien national The Irish Times insiste ainsi sur le fait que le féminicide présumé de l'enseignante "s'inscrit dans le cadre d'un schéma bien identifié de violences contre les femmes". Avant elle, 244 femmes ont été assassinées en république d'Irlande depuis 1996. "Des crimes commis à des époques très différentes, mais avec une constante : l'auteur était chaque fois un homme, et neuf fois sur dix un membre de l'entourage", relève le journal.
Ce meurtre, assure à son tour The Irish Independent, constitue "un tournant" pour le pays, au même titre que celui de Sarah Everard au Royaume-Uni. Un tournant dans la façon dont ces crimes seront appréhendés, les Irlandais éduqués et les victimes accompagnées, mais aussi dans les commentaires qui les entourent.
Dans une publication postée sur Instagram, la fondatrice du collectif Everyday Sexism Laura Bates souligne notamment le problème que pose les déclarations comme "elle était juste partie courir" lorsque des femmes sont tuées par des hommes.
"Je sais que cela traduit du chagrin et de la rage", écrit-elle dans la légende du contenu devenu viral. "Mais ce qu'elles faisaient n'a pas d'importance. Lorsque nous disons : 'Elle faisait juste ceci' ou 'Elle faisait juste cela', cela suggère que l'affaire n'aurait pas été aussi terrible ou tragique si elle avait fait autre chose.
"Par exemple, si elle se promenait dans une ruelle à 2 heures du matin, ou si elle allait rencontrer son amant marié ou un client de l'industrie du sexe, ou si elle était ivre ou si elle avait pris de la drogue... comme si cela aurait été un peu moins terrible dans ces circonstances. Et cela dévalorise la vie des femmes." Une déconstruction à mener jusque dans le langage, pour espérer bousculer une société profondément dangereuse pour celles qui la constituent.