Impossible d'oublier notre insouciance ado, nos jeans troués (d'autant plus sur les bancs des bahuts), nos excentricités grunge et nos CDs tout rayés de Hole (Courtney Love pour toujours). De même, impossible d'oublier No Doubt, l'insolence rock de Gwen Stefani et son hymne, celui d'une vie : Just a Girl. Un concentré d'empouvoirement remis au goût du jour au détour d'une séquence du récent blockbuster Captain Marvel. Mais dont la puissance n'est jamais mieux narrée que par sa conceptrice...
La preuve ? C'est sur la plateau du talk show "The View", sur la chaîne américaine ABC, que l'interprète est dernièrement revenue sur le succès de cette chanson. Et surtout, sur son sens. Car, spoiler alert, ce n'est pas "juste une fille", c'est bien plus. Selon Gwen Stefani, cette ritournelle électrisante est avant tout un hymne au "sexpowerment" : à la prise de pouvoir des femmes par le biais de leur sexualité. Une interprétation intrigante.
"J'étais tellement naïve. Je n'avais pas écrit beaucoup de chansons à l'époque", détaille l'artiste. Lorsqu'elle imagine Just a Girl, Gwen Stefani a la petite vingtaine et, comme bien des consoeurs, souffre d'une légère crise existentielle. "Je ne savais même pas qui j'étais, et personne ne le savait", confesse-t-elle encore avec légèreté. De quoi ériger son hit rock en cri du désespoir à la rage toute teenager, c'est à dire gorgée d'ironie : "I'm just a girl, all pretty and petite / So don't let me have any rights" ("je suis juste une fille, toute jolie et petite / Alors ne m'accorde aucun droit").
Mais pour Stefani, "Just a girl" parle également de la manière dont les femmes les plus "pretty", justement, peuvent user de leur corps pour renverser les mufles. "Les femmes peuvent obtenir un pouvoir par le biais de [leur] sexualité", nous explique-t-elle en ce sens.
"J'ai juste écrit cette chanson parce que j'avais l'impression que, lorsque vous êtes une femme, vous ne vous pensez pas comme telle au début : vous n'êtes qu'un individu. Puis, les années passent, et vous commencez à vous demander : "attendez, quelqu'un vient de me siffler dans la rue, qu'est-ce que cela signifie ?", poursuit la chanteuse. C'est cette prise de conscience pas forcément évidente de sa féminité - et de "l'attraction" qu'elle suscite - que relate l'artiste sur le plateau de "The View". A l'écouter, au sein d'une société patriarcale, ce "pouvoir" est à la fois un fardeau et une force, puisqu'il vous rend également "plus vulnérable", dit-elle. Etre une "wonder woman" (ou une Captain Marvel) n'est pas si évident, loin de là.
Inutile d'aller chercher bien loin pour saisir, comme le suggère la chanteuse, le potentiel subversif de Just a Girl. Il suffit d'écouter les paroles et le désir de révolte qui y palpite ("Oh I'm just a girl / Guess I'm some kind of freak"). Après avoir nourri bien des adolescentes à grands coups de "fuck off" attitude, l'hymne "girl power" de 1995 suscite encore les interprétations les plus enthousiastes. Cette année, le magazine Elle l'a même classé parmi les vingt-huit chansons les plus féministes jamais écrites. Et en première position, s'il vous plaît, loin devant Britney, Gossip et Lizzo. D'un côté, difficile de rester insensible au "personnage" Gwen Stefani, dont les minauderies sarcastiques et la colère punk recouvrent un clip tout aussi culte.